« L’irruption sur la scène publique, donc sur la scène politique, de la jeunesse de l’immigration, la maturité politique dont elle apporte ainsi, précocement, l’éclatante manifestation, le grand sens civique dont elle sait faire preuve constitueront, à n’en pas douter, le fait essentiel de cette décennie, l’avant-dernière du siècle.
Cela marque une rupture. Si, à une jeunesse interdite de parole, interdite de toute participation à la vie civile la plus élémentaire – celle de la rue, celle du quartier, celle de l’école ou de l’atelier –, il ne restait, dans un premier temps, que la violence la plus violente pour répliquer à la violence légale qui l’exclut de la vie de la Cité, s’il ne lui restait paradoxalement que la violence pour pouvoir exister civilement, cette même jeunesse ne cesse, depuis quelques années, d’apporter la preuve de ce dont elle est capable.
Elle sait, elle veut, elle peut sortir du ghetto de la violence cyclique – violence et contre-violence – dans lequel on l’a inconsidérément et stupidement placée, dans lequel on l’a fait naître, on l’a fait grandir, on l’a scolarisée au rabais, c’est-à-dire analphabétisée ; dans lequel on l’a formée ou, mieux, « déformée », en lui ôtant tout espoir et toute raison de croire à la formation. Sans aucun doute, c’est là, au fond, la véritable signification politique des multiples manifestations auxquelles nous assistons, les unes trop « solennellement » spectaculaires, les autres plus discrètes mais combien plus efficientes.
Il y a là motif à un grand espoir. Et si, d’aventure, quelque esprit malin, quelque apprenti sorcier s’avisait de vouloir berner cette toute jeune et toute récente espérance, la détourner de la juste voie qui est la sienne, de vouloir trop la séduire pour mieux l’abuser et en abuser, gageons qu’il lui en coûtera fort cher.
À ce vaste mouvement qui se déclenche au sein de la jeunesse de l’immigration (que ces jeunes aient ou non la nationalité française) et qui frappe par son dynamisme, son extrême disponibilité, sa spontanéité, sa générosité et son dévouement, la sincérité de ses convictions, son idéalisme (parfois teinté d’un certain angélisme), quel langage tenir ? Quelle réponse donner à l’angoisse et à l’espérance de tous ces jeunes qui demandent à être rassurés, rassurés sur eux-mêmes et sur le sens de leurs initiatives ? Est-ce folie ? Est-ce simplement un jeu, mais un jeu terriblement cruel s’il ne devait être suivi d’aucun effet ? Est-ce un cérémonial d’expiation ?
Le résultat final dépendra de la manière dont tout ce discours en actes que sont toutes les manifestations publiques sera entendu par l’opinion et, plus spécialement, par la classe politique.» (Abdelmalek Sayad)
« Là où naît le danger, naît aussi ce qui sauve »
Publié par Le Bougnoulosophe à 2/03/2010
Libellés : POSTCOLONIE
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2 commentaires:
Aucun commentaire sur son foulard palestinien ??? j'en connais qui ne vont pas tarder à réagir ?
excellent article, excellent blog
dan de danactu-resistance
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