Méfiez-vous des contrefaçons

La notion de Pouvoir noir, du fait même de son caractère flou et ambigu, réfractaire à toute définition vraiment précise, de son vide doctrinal, ne devait pas tarder à couvrir une marchandise de moins en moins révolutionnaire.

Issu de la classe moyenne, Stokely Carmichael en reflétait, les oscillations et les équivoques. Il balançait entre réformisme et la révolution, entre une alliance avec les Blancs surexploités ou révolutionnaires et le rejet en bloc de l’Homme blanc. Le livre de lui qui a été publié en français Black Power était une œuvre beaucoup plus réformiste que révolutionnaire. Il versait dans l’utopie petite bourgeoise lorsque dans la lignée proudhonienne, il préconisait la formation de coopératives noires, hypothèse peu réaliste au moment précis où les petites entreprises étaient de plus en plus éliminées par la concurrence de la grande industrie ou des supermarchés et ne parvenaient pas à vendre à des prix compétitifs.

Mais, après le repli de Carmichael sur l’Afrique et le contre-racisme, le Pouvoir noir devait être de plus en plus récupéré par la bourgeoisie noire. Un écrivain du nom de Nathan Wright lança le slogan : « achetez noir » et entraîna dans son sillage la conférence du Pouvoir noir de Newark en juillet 1967 : franchissant le pas, l’auteur de Black Power n’hésita pas à identifier Pouvoir noir et capitalisme noir.

Cette évolution s’accentua à la conférence du Pouvoir noir à Philadelphie en 1968 et à celle d’Atlanta en 1970 qui se prononça « pour la recherche de tout le pouvoir politique et économique qui peut être conquis par les moyens légaux dans le cadre du régime actuel. »

Robert L. Allen, dans son Histoire du Mouvement noir au États-Unis a exposé pourquoi une nouvelle élite noire nouvellement promue, composée de membres de professions libérales, de cadres supérieurs, de professeurs, de fonctionnaires fédéraux s’est ralliés au Pouvoir noir. Cette élite a sollicité des maîtres du jeu blanc le droit de contrôler « constructivement » la communauté de couleur, c’est-à-dire d’exploiter à son profit les masses noires. Pour y parvenir , elle n’a pas hésité à s’enduire du vernis nationaliste ; pareille à un enfant, observe Allen, à qui on a refusé du sucre d’orge, elle a rejeté le monde blanc et s’est glorifiée de sa couleur noire. Même le capitalisme illégal, celui des trafiquants du ghetto, n’a pas manqué de tirer à lui la couverture du Pouvoir noir....

Le Président Nixon en personne récupéra à son profit un slogan qui ne sera plus désormais qu’un attrape-nigaud : il tendra la perche aux capitalistes de couleur en leur offrant des avantages particuliers très substantiels pour le développement des ghettos.

Les dirigeants des Panthères noires dénonceront avec énergie cette falsification d’un mot d’ordre qui, à un moment donné, avait joué un rôle progressiste et révolutionnaire. C’est Eldridge Cleaver qui déclara : « Depuis que Nixon a énoncé sa doctrine du capitalisme noir, on a sciemment déversé des millions de dollars entre les mains de la bourgeoisie noire, on a sciemment privilégié des hommes de paille issus de ses rangs. On commence à intégrer la bourgeoisie noire à la classe dirigeante, à lui donner certaines assurances, certaines garanties qu’elle réclame. » « En fait, notre cri de guerre pour le Pouvoir noir est devenu la graisse qui facilite l’assimilation de la bourgeoisie noire par le pouvoir blanc. »... (Daniel Guérin, De l'Oncle Tom aux Panthères)

8 commentaires:

La mémoire qui flanche... a dit…

Tiens cette volonté de devenir "l'élite" d'une masse de dominés en employant l'outrance dans le verbe, mais rien que dans le verbe, me rappelle quelque chose, mais je n'arrive plus à me souvenir quoi...

Anonyme a dit…

Conseil de lecture : "Soul on ice" d'Eldridge Cleaver... Un putain de bouquin !

Anonyme a dit…

Hé "La mémoire qui flanche",

Je suis sûr que tu penses à un genre de néo-bachagas postcoloniaux... (lol)

La Sphinge a dit…

Un grotesque Maquereau tunard bafouillant et une dinde médiatique qui est persuadée d'être futée ?

Anonyme a dit…

Salut,
Je suis assez étonné que tu laisses passer des messages insultant de la sorte. C'est d'une bassesse et ça à l'air d'une campagne. 9a fait un peu françois de souche arabe!

Hsissou

Anonyme a dit…

C'est peut-être que le tenancier du blog est fatigué de gérer les "égouts"... Que chacun prenne ses responsabilités !

La Sphinge a dit…

"Egouts"... Le retour du refoulé ?

Anonyme a dit…

"Ethique de responsabilité : assumer les conséquences prévisibles de ses actes..."