De l’Islam Noir

« Les étapes historiques de l’islamisation de l’Afrique noire sont connues dans leurs grandes lignes. L’Islam, par rapport à la frange érythréenne, a attaqué l’Afrique plus obliquement, non plus de l’ouest à l’est, mais du nord-ouest au sud-est. Dans l’Afrique du Nord, par la conversion des Coptes et des Berbères, du VIIe siècle au XIe siècle ; dans la zone centrale, en bordure de la grande forêt, par la conversion des Peuls, des Mandé et des Haoussa, du XIIIe au XIXe siècle, sans réussir à pénétrer très au-delà de la lisière forestière : par les trois grandes voies d’accès à l’Afrique soudanaise – le tariq Lamtuni atlantique, la route centrale de Taddmekka et l’axe Fezzan-Kawar.

Dans la zone littorale orientale (érythréenne), après l'islamisation de la « Côte des Zanj » (dès le IXe siècle) et de Kilwa (Xe siècle), il y a eu lente conquête, du XIIe au XVIe siècle, des contreforts ouest et est de l'Abyssinie chrétienne avec, au-delà, conversion des Galla et une islamisation plus poussée de la Côte, depuis les Somalis jusqu'à Zanzibar, avec des îlots aux Comores et a Madagascar. Tout récemment, en décembre 1962, Jan Knappert évoquait, au Congrès d'Accra, les douze siècles, entre 640 et 1840, pendant lesquels les Arabes furent, en quelque sorte, la seule puissance étrangère à l'intérieur de l'Afrique : « Ils venaient y vivre, c'est-à-dire se marier, élever une famille, faire du commerce, mettre sur pied une organisation, et enfin enseigner. A l'exception de la courte occupation de Damiette, en 1217, les Arabes ne furent pas dérangés en Afrique jusqu'au baptême du roi du Congo par les Portugais en 1484. Les Arabes ont pris des femmes africaines et devenaient les beaux-frères des Africains. Dans la mesure ou ils avaient beaucoup plus à enseigner qu'à apprendre, nous pouvons à peine nous étonner que l'Afrique arabophone soit totalement islamisée. » Il y aurait assurément quelques retouches à apporter à ce tableau.

 Quoi qu'il en soit, l'islam en Afrique noire se présente surtout historiquement comme un « stimulant cyclique des sociétés soudanaises ». C’est à dire la mise au point, pendant une dizaine de siècles, de l’histoire des États islamisés, royaumes ou empires. Les principaux de ces États où l’islam a joué un rôle sont les suivants : les trois empires soudanais de Ghana, du Mali, de Gao (Songhay) ; l’empire de Bornou ; les Etats Peuls et Toucouleurs ; les royaumes Wolofs ; la dernière tentative, enfin, celle de Samory… »

(Vincent Monteil, L'Islam Noir)

Voir également « Les Intellectuels non europhones » de Ousmane Kane et « L’avenir de la tradition » de Souleymane Bachir Diagne.

1 commentaire:

Bozo a dit…
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