De l'usage de la race

« La race apportait une explication de fortune à l'existence de ces êtres qu'aucun homme appartenant à l'Europe ou au monde civilisé ne pouvait comprendre et dont la nature apparaissait si terrifiante et humiliante aux yeux des immigrants qu'ils ne pouvaient imaginer plus longtemps appartenir au même genre humain.

La race fut la réponse des Boers à l'accablante monstruosité de l'Afrique - tout un continent peuplé et surpeuplé de sauvages -, l'explication de la folie qui les saisit et les illumina comme l'éclair dans un ciel serein : "Exterminez toutes ces brutes".

Cette réponse conduisit aux massacres les plus terribles de l'histoire récente, à l'extermination des tribus hottentotes par les Boers, à l'assassinat sauvage perpétré par Carl Peters en Afrique du sud allemande, à la décimation de la paisible population du Congo - de 20 à 40 millions d'individus, réduite à 8 millions ; enfin et peut-être pire que tout le reste elle suscita l'introduction triomphante de semblables procédés de pacification dans des politiques étrangères respectables.

Auparavant, quel chef d’état civilisé aurait jamais prononcé cette exhortation de Guillaume II à un corps expéditionnaire allemand chargé d’écraser l’insurrection des Boxers en 1900 : tout comme les Huns, il y a mille ans, se firent, sous la conduite d’Attila, une réputation qui leur vaut de vivre encore dans l’histoire, puisse le nom d’Allemand se faire connaître en Chine de telle manière que plus un Chinois n’osera poser les yeux sur un Allemand… » (Hannah Arendt, L'Impérialisme)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est aussi Hannah Arendt qui a écrit que la pensée raciste avait précedé le racisme. On devrait méditer cela aussi.

pom a dit…

Le terrain était donc fertile.

La rencontre avec l'autre fut révélatrice. J'avais, tapie en moi, cette possibilité de penser im-pos-si-ble l'odieuse et terrifiante différence.

L'autre me révèle donc doublement : je suis donc bien ce que je suis, mais, seul l'autre, sait mettre en lumière mon potentiel intime de haine, d'amour ou d'indifférence.

Finalement faut-il moraliser ?
Et comment ?

Anonyme a dit…

Petite correction, je m'a trompé Hannah Arendt a parlé de pensée raciale et non raciste. Quand je pense que ça fait trois ans que son bouquin - les origines du totalitarisme -est sur ma table de nuit, que je l'ouvre pourtant régulièrement... Acte manqué ?