Covering islam

« Il existe un schéma de pensée archaïque concernant l’islam et, par extension, les Arabes, dans lequel les distinctions n’ont plus cours et où il est admis que l’on résume des attributs essentiels, dont la plupart sont des idées fausses sur l’Autre avec un grand A.

Ainsi le musulman est vu comme étant ce que nous ne sommes pas : fanatique, violent, avide, irrationnel… Cette idée persiste, car elle est profondément enracinée dans la religion chrétienne qui voit en l’islam une sorte de religion rivale. L’islam est issu de la même argile que la chrétienté, c’est-à-dire de la religion d’Abraham, qu’on retrouve d’abord dans le judaïsme, puis dans la chrétienté, enfin dans l’islam.

Il y eut aussi une longue période d’environ 800 ans durant laquelle l’islam domina l’Europe – celle-ci correspond aux conquêtes musulmanes et arabes qui débutèrent au milieu du VIIIe siècle et se poursuivirent jusqu’ au XVe siècle.

Le rapport à l’islam ressenti comme un Autre qui menace a perduré. S’ajoute à cela, bien sûr, l’attitude critique à l’égard de tout ce qui touche à la connaissance de l’islam et des Arabes, et qui se développe durant la période coloniale dans ce que j’ai appelé Orientalisme. L’étude de l’Autre avait alors beaucoup à voir, en général, avec le contrôle et la domination de l’Europe et de l’Occident sur le monde islamique.

Enfin, si vous observez les médias les plus courants, vous constaterez que le stéréotype tel qu’il est figuré par Rudolph Valentino dans Le cheikh s’est maintenu et s’est transformé en cet ennemi public international que nous montent la télévision, le cinéma et la culture populaire en général.

Les généralisations fantaisistes sur l’islam sont faciles à faire. Il suffit de lire presque n’importe quel numéro de la New Republic et vous trouverez l’islam associé au mal absolu, l’idée que la culture des arabes est corrompue. Il est virtuellement impossible d’opérer de telles généralisations au sujet de n’importe quelle autre groupe ethnique ou religieux dans l’actuelle société américaine. Mais envers l’islam cette position persiste, et l’une des principales raisons en a été l’absence totale de participation des musulmans et des Arabes à ce débat.

Une inconscience notoire a caractérisé le monde islamique et arabe quant au regard que l’Occident et les habitants des pays occidentaux ont coutume de porter sur le musulman et l’Arabe. L’aptitude à se doter d’une politique culturelle, la disposition à engager le débat ou la discussion leur font défaut. Donc, pour ce qui concerne l’islam, le dialogue des cultures est inexistant.

Israël joue dans tout ceci un rôle central. Les gens ont le sentiment que si vous tentez de parler du monde arabe, si vous tentez de faire venir un écrivain arabe en Amérique, vous le faite au détriment d’Israël, et il s’éléve toujours des protestations touchants à l’absence d’un protagoniste de l’autre bord. Ou bien, si vous parler de la culture et de la civilisation arabes, c’est que vous êtes d’une certaine façon anti-israéliens. C’est là une donnée structurelle que l’on rencontre constamment et avec laquelle il faut apprendre à traiter. … » (Edward Saïd, Culture et Résistance)

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