Obama, Mossadegh et Gorbatchev

Il y a tout lieu de croire que la reconnaissance par Obama, dans son discours du Caire, que les USA ont participé à la chute, – illégale, illégitime et ignoble... – du président iranien et démocratiquement élu Mossadegh en 1953, cette reconnaissance publique est un acte politique d’une grande importance. Cela autorise de remarquer et de confirmer, pour le moins, que ce président est d’une autre nature que ceux qui l’ont précédé.

L’importance de cette reconnaissance est fondamentale. Peu nous importe qu’elle confirme ce que tout le monde savait ; ce qui nous importe ici c'est qu’elle soit dite publiquement, solennellement, au nom de et par la plus haute autorité des USA. De ce fait, elle pulvérise beaucoup plus précisément, et plus fortement qu’en aucune autre occurrence de la “politique des excuses”, le vernis formidable de l’affirmation officielle de la vertu objective des USA, passée, présente et à venir, de la légitimité des USA à être notre modèle à tous, notre référence incontestable, par conséquent à conduire à leur guise la politique qu’ils mènent, au mépris de toutes les souverainetés et de tous les équilibres structurants, hors de toute critique fondamentale. L’enjeu ici est la légitimité d’un système monstrueux, toujours en pleine activité, qui nous impose son hégémonie depuis trois-quarts de siècle en nous menant présentement vers l’abîme, un système de fin de civilisation, mécaniquement animé dans ce but.

Peu nous importe la vertu ou pas d’Obama, qui anime tant de débats de politologues de salon (y compris chez les Indigènes), ce qui nous importe vraiment c’est qu’Obama est, bien plus qu’un autre dirigeant, l’instrument extrêmement efficace d’un courant historique qui, par des voies tortueuses, ruse de la raison historique oblige (ici, la nécessité d’un rapprochement avec l’Iran), et sans pour autant que l’intéressé comprenne nécessairement toutes les implications de ses actes, porte des coups au système. Ce n’est pas parce qu’Obama est le président US, et le premier président noir, comme le pense les niais, qu’il agit de la sorte; c’est parce qu’il se trouve là où il se trouve, à ce moment précis, avec une expérience très spécifique et certaines nécessités politiques tactiques, avec un passé à l’intérieur du système assez court pour n’en avoir pas été complètement perverti, tout cela déterminé et conduisant à un point de fusion dans leur efficacité commune par les conditions actuelles du système. En ce sens, Obama est gorbatchévien. Il ne sait pas vraiment où il va, sauf qu’il lui importe de faire sauter certains verrous.

Car si Obama est vraiment gorbatchévien, c’est qu’il va tuer le système bien plus sûrement que s’il ne l’était pas, et en ignorant en fait qu’il le fait - Alors qu’une appréciation courante est qu’un Obama brillant et original, gorbatchévien en ce sens, va sauver le système; mais non, le système ne peut être sauvé. Si Obama est comme Gorbatchev, il croit, comme lui, qu’il peut réformer le système et va s’y employer et, comme Gorbatchev, va mettre le feu aux poudres d’une façon qu’il ne peut évidemment prévoir, avec, ironie du sort, d’autant plus d’entrain et d'allant qu’il croit ne pas le faire.

Si cette hypothèse d’Obama gorbatchévien se confirme, on peut alors avancer une hypothèse qui lui fait suite, à savoir qu’à un moment ou l’autre, il deviendra insupportable au système. Viennent alors d’autres hypothèses, plus noires et moins plausibles. Ainsi aux USA, si l’on fait tomber les régimes démocratiques à la Mossadegh, on se débarrasse aussi de présidents encombrants, y compris de la façon la plus expéditive. Cela est juste, et, à l’extrême dans les conditions hypothétiques évoquées, ce risque existe évidemment. Mais il y a tout de même un argument très puissant contre cette hypothèse, qui est qu’un événement brutal survenant contre Obama, et le champ de l'imagination est ouvert à cet égard, serait susceptible d’embraser l’Amérique dans des désordres civils extrêmement dangereux, voire incontrôlables, – cas classique du remède risquant d’être pire que le mal. Cela, les dirigeants du système le savent...


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