Du postnational

« Le terme « postnational » a plusieurs implications. La première est temporelle et historique. Elle suggère que nous sommes engagés dans un processus menant à un ordre mondial où l’Etat-nation est devenu obsolète et où d’autres formations d’allégeance et d’identité ont pris sa place.

La seconde est l’idée que les formes qui émergent sont de puissantes alternatives pour l’organisation du trafic international de ressources, d’images et d’idées - des formes contestant activement l’Etat-nation ou constituant des alternatives de paix pour des loyautés politiques à grande échelle.

La troisième implication est la possibilité que les nations (1) continuent d’exister, tandis que l’érosion permanente des capacités d’Etats-nation à monopoliser la loyauté encourage la diffusion de formes nationales ayant largement divorcé des États territoriaux.

Ce sont là des sens pertinents du terme « postnational », mais aucun d’eux n’implique que l’Etat-nation, sous sa forme territoriale classique, soit pour l’instant en faillite. Il est certainement en crise, et une part de cette crise est la violence croissante de la relation qu’entretient l’Etat-nation avec ses Autres postnationaux…

Dans le monde postnational que nous voyons émerger, la diaspora va dans le droit fil - et non à rebours - de l'identité, du mouvement et de la reproduction. Tout le monde a des parents travaillant à l'étranger. Beaucoup de gens se retrouvent en situation d'exilés sans avoir pour autant bougé très loin : les Croates en Bosnie, les Hindous au Cachemire, les Musulmans en Inde.
D'autres en revanche se trouvent dans des modèles de migrations répétés. Les Indiens qui sont allés en Afrique de l'Est au XIXe et au début du XXe siècle, qui ont été chassés d'Ouganda, du Kenya, de Tanzanie dans les années 1980 et on retrouvé des emplois et des opportunités en Angleterre et aux Etats-unis, envisagent aujourd'hui de retourner en Afrique.

De même les Chinois de Hong Kong qui achètent aujourd'hui des immeubles à Vancouver, les commerçants gujariti d'Ouganda qui ouvrent des motels dans le New Jersey et des kiosques à journaux à New York, les taxis sikhs de Chicago et de Philadelphie sont autant d'exemples d'un nouveau monde où la diaspora est dans l'ordre des choses... » (Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation)

(1) Il est possible de détecter des transnations (certaines ethniques, d'autres religieuses, linguistiques, philantropiques...) qui dessinent les éléments d'un imaginaire postnational.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

IL n' y a pas forcément superposition entre l'état et la nation. postnational ? que neni les nationalismes se portent bien, il sont mêmes "transnationales", pas de rupture, pas d'ère nouvelle. Si le siège de la nation est "la pensée", les corps ont beau voyager, la nation, elle est figée est toujours prête à vomir ses monstres nationalistes.

Anonyme a dit…

Et non ! Qui dit Etat dit aussi territoire (bien délimité)... Aussi il s'agit d'un autre genre de "nation", qui renvoie à la notion de diaspora, c'est ce que Anderson a appellé une "communauté imaginée" qui a d'autres caractéristiques (elle ne relève pas, uniquement !, de la race, du sang, de la langue ou de la religion...). Ce qui la rend bien plus sympathique...

Anonyme a dit…

j'insiste, il n y a pas de superposition entre l'Etat qui certes lui renvoie à l'idée de territoire pas toujours bien limité? Israël n'est-il pas un état dont les limites bizarement sont toujours à voir et La Palestine n'est-elle pas une nation sans territoire ?
La diaspora aussi sympathique qu'elle puisse être, n'est-elle pas "une nation" par défaut ? La nation n'est finalement qu'une idée de ce qui unis des êtres et en exclue d'autres de fait? J'aime le chocolat si je créée le club des amoureux du chocolat je ne construis pas pour autant une diaspora des amoureux du chocolat ? et moins encore la nation des fans de chocolat.
la diaspora communauté imaginée ? la nation l'est aussi.
Dissocier nation et identité mais là nous sommes déjà ailleurs.