Le dimanche 11 janvier dernier, Muriel Florin, journaliste au Progrès, est envoyée par sa rédaction couvrir un rassemblement organisé à Lyon au parc de la tête d’Or par le CRIF (conseil représentatif de la communauté juive de France). Objet de cette manifestation : à la fois dénoncer la recrudescence des actes antisémites en France depuis la reprise du conflit au Proche-Orient, mais aussi réaffirmer la solidarité de la communauté juive avec la politique d’Israël. Muriel Florin prend en note les interventions officielles, mais va aussi prendre la température dans la foule et interviewer des participants. Il y a ce jour-là près d’un millier de personnes. La tension est palpable. LibéLyon était aussi présent à ce rassemblement. Comme Muriel Florin, nous avons pu constater qu’à côté des discours officiels apaisants, il y avait une peur et une méfiance visible et exprimée de la part de certains participants vis-à-vis de la communauté musulmane française. Sentiments qui parfois, se traduisaient par l’expression de propos racistes. Muriel Florin interviewe un groupe de quelques personnes. Elle rapporte, entre autres, les propos d’un dénommé Roland.
Extrait de l’article paru le 12 janvier dans Le Progrès :
« Ils n'ont qu'à partir. S'ils restent, c'est qu'ils veulent mourir. Les arabes sont des menteurs et des voleurs et la presse française les soutient ». «Ils sont violents, brutes et haineux », ajoute sa voisine. Qui ça ? «Les arabes » souffle-t-elle. Un jeune homme proteste. « Ne dites pas cela. Nous voulons tous la paix...»
Muriel Florin relate aussi d’autres propos qui témoignent de la diversité de points de vue des participants à ce rassemblement. Son article, comme n’importe quel article au Progrès, est relu par un responsable d’édition, corrigé par un secrétaire de rédaction. Il est censé être validé par le rédacteur en chef de permanence. En rentrant de son reportage, la journaliste avait prévenu de la dureté de la scène à laquelle elle avait assisté et expliqué qu’elle souhaitait rendre compte de cette réalité. Sans que personne n’y trouve alors à redire.
Réactions du CRIF
Ce n’est que le lundi, lorsque le papier paraît que les premières réactions tombent. En interne d’abord. « On n’est pas habitué à voir des propos aussi violents dans nos colonnes. Ils y avaient les pour, les contre mais en tout cas, ça a fait débat », raconte un journaliste. Il explique : "On passe souvent sous silence des trucs sous prétexte de ne pas raviver les tensions entre communautés. mais je ne sais pas si c'est une bonne chose". Un autre rappelle qu'il y a quelques mois, le journal avait pourtant reproduit tels quels les propos de Siné, qui valent aujourd'hui au dessinateur de passer devant les tribunaux. Sur le reportage de Muriel Florin, il y a eu les réactions externes. Selon plusieurs journalistes de la rédaction, des représentants de la communauté juive ont appelé au journal pour faire part de leur mécontentement suite à l’article.
Dès le mardi, Le Progrès publie une interview de Marcel Amsellem, le président du CRIF Rhône-Alpes, qui se plaint de la façon dont Le Progrès a relaté le rassemblement au parc de la tête d’or. «Les propos isolés tels qu'ils ont été rapportés d'une personne sur les 1 000 présentes ne peuvent en rien refléter l'esprit de concorde de ce rassemblement. Relater de tels propos a pour conséquence d'attiser la haine et d'exacerber les tensions intercommunautaires, ce qui n'est pas bon pour notre démocratie», explique Marcel Amsellem. Qui explique également que «les médias», comme les associations ou les pouvoirs publics, «ont une responsabilité» dans la préservation du «vivre-ensemble» entre communautés...
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