Négrophobie francophone sur fond d’Obamania triomphante (3)

Décadence française
Finalement, quoi de plus normal dans le pays des droits de l’Homme blanc. Un Hexagone où les sphères de pouvoir ont contribué à rehausser la négrophobie au rang d’opinion compréhensible sinon légitime. En témoigne le discours de Dakar du Président Sarkozy, puisé aux sources de l’infériorisation nègre conceptualisée par Hegel. En témoigne la création d’un ministère du racisme, de l’assimilation et de la xénophobie (pardon : « de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale ») chargé de faire du chiffre en matière d’expulsions et d’emprisonnements de sans-papiers. En témoigne encore les éternels tapis rouges audiovisuels déroulés aux Bruckner et autres Finkielkraut, assommant le public avec leurs inepties islamo-négrophobes plus ou moins contrôlées. Et, depuis quelques années, l’empressement des télés à diffuser la parole bouffie d’arrogance d’un Eric Zemmour. Nain du journalisme et romancier raté dont le fond de commerce audiovisuel mélange saillies racistes, éructations sexistes et convictions réactionnaires. La dernière perle du chroniqueur multimédias : « J’ai le sentiment qu’à la sacralisation des races de la période nazie et précédente a succédé la négation des races. Et c’est d’après moi aussi ridicule l’une que l’autre. Qu’est-ce que ça veut dire que ça n’existe pas ? On voit bien que ça existe ! (...) J’appartiens à la race blanche, vous appartenez à la race noire ! ». Comment expliquer cet affligeant retour verbal aux visions du 18ème siècle ? Notamment par la complicité d’Arte qui invitait Zemmour ce jour-là pour un débat intitulé « Demain, tous métis ? ». Parmi les autres invités, le philosophe Vincent Cespedes, a livré un éclairage précieux sur les modalités de diffusion de ce débat long de 90 minutes : « Je déplore seulement que mes interventions aient considérablement fondues au montage final (58 min.), ce qui non seulement dénature le sens de ma participation à ce débat, mais surtout fait croire que personne n’a réellement déconstruit les énormités prononcées par M. Zemmour. ». « Si ma mémoire est bonne, j’ai largement fait ce travail sur le plateau », poursuit Cespedes. « J’ai pointé son manque de probité intellectuelle, dénoncé ses provocations et ses affirmations péremptoires, soutenu en cela par Renan Demirkan et Rokhaya Diallo, mais aussi par un public proprement scandalisé, qui a d’ailleurs pris à parti M. Zemmour. Je déplore que l’on ait choisi de tronquer le cœur de la polémique pour mettre en scène le débat en le soumettant à des impératifs superflus (égalité des temps de parole, télégénie d’un duel blanc/noire, crédibilité du polémiste Éric Zemmour à maintenir à tous prix parce qu’il en va de la crédibilité du « casting » et du débat lui-même, etc.) ».

Sordide continuité
Mais soyons de bons comptes. Le top départ de la négrophobie médiatique, version 21ème siècle, fût donné par Marc-Olivier Fogiel en 2003. En « réponse » au sketch antisioniste de Dieudonné, diffusé dans son émission sur France 3, l’animateur ordonna de rédiger, puis de diffuser à l’antenne un faux sms qui disait : « Eh Dieudo ! Ça te ferait rire si on faisait des sketchs sur l’odeur des blacks ? ». Les excuses ultérieures de Fogiel seront aussi « convaincantes » que celles de Bernheim aujourd’hui. Du même tonneau que lorsque le présentateur suisse Michel Zendali en rajoute, en qualifiant la saillie de Bernheim de « déclaration malheureuse ou peut-être mal comprise » ... Condamné avec le boss de France Télévisions pour diffamation raciale, Fogiel, lui, a été prié d’aller dicter ailleurs ses faux sms. Une prise de conscience des nouveaux dirigeants de France Télévisions n’y est pour rien. On le doit principalement à la mobilisation menée par les militants de l’ANC (Alliance Noire pour la Citoyenneté) qui a exigé, pendant des mois, le renvoi de l’animateur du Service public. Second coup de semonce en 2005 avec l’islamophobe et sioniste militant Charlie Hebdo. A l’occasion de la seconde charge médiatique anti-Dieudonné, l’hebdomadaire fait sa « Une » sur une caricature de l’humoriste engagé. Dessiné avec un air abruti, un cerveau visible et minuscule, accompagné du sous-titre suivant : « Le cerveau de Dieudonné : un point de détail » A l’époque, la liberté de presse de moquer l’avait emporté sur l’aspect raciste. Pourtant, cette « Une » s’inspire des mêmes préceptes négrophobes que l’exclamation de Bernheim. Insinuer ou éructer que le nègre en général - illustré par Dieudonné en particulier - n’est fondamentalement capable que de stupidité. Or, de quoi a-t-on finalement accusé Dieudonné en février 2005 ? D’avoir qualifié de « pornographie mémorielle » l’hypermédiatisation de la commémoration du 50ème anniversaire de la libération des camps, en comparaison avec l’absence de visibilité médiatique et historique sur la mémoire de l’esclavage. Idem, lorsque, cinq mois plus tard, Baudrillard déclara ceci : « Finalement, quand Dieudonné qualifie cette commémoration de ‘pornographie mémorielle’, il a totalement raison ! Simplement, on lui fait dire que la Shoah elle-même est pornographique, et cet amalgame là ne passe pas. Mais c’est l’amalgame fait par les médias eux-mêmes qui est scandaleux. Je dis au fond la même chose, d’une autre façon ». A propos semblables sur le fond, pourquoi descendre en flammes l’humoriste engagé et pas le sociologue ? La négrophobie conjuguée au respect du titre universitaire est passé par là ... Depuis, le pouvoir français, cornaqué par le bonimenteur Sarkozy, a fait écran en nommant des alibis au gouvernement (ministre et secrétaires d’Etat d’origine marocaine, sénégalaise et algérienne), en favorisant la nomination du journaliste antillais Harry Roselmack à la présentation du JT de TF1 ou en feignant de prendre en considération la nouvelle commémoration de l’abolition de l’esclavage (décrétée en 2006 par Jacques Chirac). Autant de gestes qui donnent à penser que la « diversité » progresse alors que ces illusions servent surtout à masquer un immobilisme en la matière.

Le miroir belge
Heureusement, rien de tel en Belgique, n’est-ce pas ? Terre du compromis et du métissage flamand-wallon. Faux, évidemment ! Il suffit d’observer deux épisodes d’actualité récente pour s’en convaincre. Août 2008. La propagande olympique et nationaliste bat son plein en direct de Pékin. En mal de médailles, la Belgique mise sur son équipe de foot des moins de 21 ans, parvenue à se qualifier en demi-finale. Adversaire : le Nigéria. Retransmission du match sur écran géant dans l’ambassade belge de Chine. Soudain, à chaque faute commise sur un joueur belge par un joueur nigérian, le Vice-président du Comité Olympique Interfédéral Belge (COIB), Renno Roelandt, hurle : « Sale noir ! ». Systématique, le procédé finit par faire réagir l’épouse de l’entraîneur cycliste, Paul Van Den Bosche 19. Réponse du Vice-président : « Vous ne me parleriez pas comme cela si vous aviez travaillé avec des noirs à Bruxelles » ... Plusieurs médias belges ont repris et médiatisé l’affaire, tout en se gardant bien de diaboliser le ponte sportif et négrophobe. Préférant sagement attendre les conclusions de « l’enquête » du COIB. Un résultat cousu de fil « blanc » ! Trois mois plus tard, Roelandts écopera d’une « réprimande » et sera confirmé dans ses fonctions. Ni sanction, ni rétrogradation, ni démission ou même un blâme. Réprimandé, c’est tout ! Dans mon pays, tenir publiquement des propos racistes négrophobes revient à prendre un risque judiciaire. Mais certainement pas médiatique, politique ou associatif. Aucun éditorialiste ou journaliste francophone belge n’a jugé utile de dénoncer la tolérance dont a fait preuve le COIB. Aucun politique ne s’est « ému » ou sincèrement indigné des propos de Roelandts et de la clémence du COIB. Aucune association antiraciste subsidiée n’a estimé « de son devoir » de traîner l’intéressé et ses patrons devant les tribunaux. Sans équivoque, des propos racistes et négationnistes ont été exprimé dans un film privé rendu public. Dégradant de manière abjecte l’un des plus horribles crimes contre l’humanité. Comme un seul homme : tous les medias dominants ont couvert l’affaire sans omettre la moindre information, tous les politiques de centre-gauche et de centre-droit ont exprimé leur indignation et réprobation totales, le Centre pour l’égalité des chances, officine politique antiraciste, a déposé plainte. Résultat : Delacroix a démissionné de son poste de président, lâché par son parti qui a jugé ses propos « inadmissibles ». En un temps record, le Sénat belge est également parvenu à suspendre la dotation publique du FN ... Il est évidemment illusoire de croire que ce branle-bas de combat empêchera d’autres hommes politiques de tenir en privé des propos inspirés par le racisme de leur choix. L’important est ailleurs. Le racisme comme l’ignorance ne peuvent être éradiqués. Juste circonscrits. En l’occurrence, en Belgique, en France ou en Suisse, l’efficacité de la mobilisation répressive contre le racisme anti-juif reste impressionnante et salutaire. Quel contraste avec la puissante impunité dont jouissent la négrophobie et le racisme anti- arabe ! Leur nuisance tolérée à tous les niveaux de la stratification sociale. Dans les cénacles politiques de gauche et de droite, dans le monde du travail en cols blancs et cols bleus, dans l’Enseignement primaire, secondaire et supérieur, dans l’attribution préférentielle de logements, dans la production cinématographique, audiovisuelle et de presse écrite.

Olivier Mukuna

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