«Et à moi mes danses
mes danses de mauvais nègres
à moi mes danses
la danse brise-carcan
la danse saute-prison
la danse il-est-beau-et-bon-et-légitime-d'être-nègre...» (Aimé Césaire)
Métis conforme
Il n’est pas question de déprécier les qualités et talents indéniables de Barack Obama. Ni de réfuter, a priori, l’espoir d’une possible amélioration de gouvernance mondiale que représente son élection. Mais de s’arrêter sur le concert de louanges du métissage qu’elle a provoqué en francophonie. Avant l’élection, tous les médias francophones ont ressassé le « réflexe racial » qui risquait d’assaillir l’électeur blanc dans l’isoloir. Résumant l’appréhension, Le Courrier International titrait en « Une » : « Oseront-ils l’élire ? ». En bout de course, 43% des électeurs blancs ont voté pour le démocrate contre 55% pour le républicain. Mais l’addition des suffrages émanant de blancs de 18 à 29 ans (55%), d’hispaniques (66%), d’asiatiques (61%) et d’afro-américains (95%) a permis à Obama de l’emporter largement ... Plus décisif : Obama n’a rien d’un révolutionnaire bolivarien ou d’un progressiste altermondialiste. Il défend un leadership impérialiste américain avec les différentes formes d’allégeances, d’injustices et de crimes que cela implique pour le reste du monde. Il sera plus intelligent, plus poli, certainement moins obtus, mais sans doute pas moins dominateur que ses prédécesseurs. Barack Obama a séduit la plupart des médias américains en tant qu’élément incontestable de changement. Et parce qu’une majorité de lobbies financiers et d’influences a financé près des 2/3 de sa campagne. En cascade, il a plu aux médias européens par traditionnelle servilité envers la première puissance mondiale. L’homme symbolise une Amérique avec laquelle l’Europe va à nouveau pouvoir « s’y retrouver ». Principalement en matière de business et de politique étrangère. Récession planétaire et suprématie occidentale vacillante aidant, la normalisation avec les USA : c’est tout ce qui compte ! Et si les pouvoirs peuvent surfer sur l’espoir sincère des foules du monde entier en chantant avec elles le métissage, pourquoi pas ? Ça ne mange pas de pain. En résumé : célébrons le métissage à condition que le métis en question soit, in fine, contrôlable par le pouvoir blanc. D’ailleurs, majoritairement issue du clan Clinton, la future administration du nouveau Président est, comme d’habitude, quasi-monocolore. Sur seize portefeuilles ministériels annoncés, trois ont été confiés à des afro-américains (Eric Holder à la Justice, Susan Rice aux Nations-Unies et Melody Barnes aux Affaires intérieures). Soit un de plus que sous l’administration Bush (Condoleeza Rice ; Colin Powell) et pas à des postes- clés ! Trois femmes ministres, dont la conservatrice Hillary Clinton, s’ajoutent aux deux précitées. Les huit portefeuilles restant sont revenus à des mâles, blancs, conservateurs et bellicistes dont deux ultras-sionistes à des fonctions décisives (Rahm Emanuel et Lawrence Summers ). En termes de renouvellement politique et de « diversité », le changement américain n’en est pas un. La victoire de l’héritage de l’immigration annonce-t-elle un simple retour aux années Clinton ? Pendant lesquelles néolibéralisme, dérégulations forcenées, bombardements de l’Irak et de l’ex-Yougoslavie ont constitué un horizon indépassable ! Dans notre perspective mondiale où crises économiques, écologiques, et politiques ont atteint un degré si crucial, que feront le « chouchou de Wall Street » et ses hommes du passé ? Wait and see.
Recadrer pour manipuler
En revanche, des métis et autres bronzés qui, à l’instar de Dieudonné, défendent une vision critique de la marche du monde et usent de moyens artistiques, iconoclastes ou controversés pour faire mouche en termes de débats, alors là : fini de rire pour les médias francophones ! Il faut absolument dégommer cette image subversive. En la diabolisant, en recourant à la désinformation ou aux omissions qui arrangent. N’ont pas dérogé à la règle trois des médias français en ligne qui ont « traité » l’affaire suisse. Il fallait commencer par recadrer pour tenter de manipuler. Exemple avec lepost.fr : « Il s’agit d’un extrait tiré de l’émission suisse Tard pour Bar, dont le sujet était ‘Peut-on rire de tout’. C’est au cours de cette émission qu’un certain Pascal Bernheim a lancé en plein débat : ‘C’est un nègre !’, à propos de l’humoriste controversé Dieudonné ». Ou encore avec Libélyon, blog du site de Libération : « ... une sortie du comédien Pascal Bernheim qui, dans une émission suisse, l’a récemment qualifié de ‘nègre’. L’auteur des propos a depuis présenté ses excuses, mais Dieudonné ne décolère pas. Et se demande, avec une pointe d’ironie, pourquoi SOS Racisme n’est pas intervenu ». Aujourd’hui, seuls des occidentaux ethnocentrés ignorent que le mot « nègre » n’est pas une insulte mais une revendication d’existence, de résistance et de conscience égalitaire. Un cri de fraternité humaine dont la paternité revient à l’illustre Aimé Césaire qui, la veille de sa disparition, répétait après une vie de combat : « Nègre, je suis. Nègre, je resterai ! » ... Enchaînons avec le site payant de l’ex-rédacteur en chef du Monde, Edwy Plenel. Un site, dixit Plenel, censé promouvoir « un journalisme de recherche et d’approfondissement » en vue de « dénouer ces nœuds qui font l’actualité ». Ne riez pas. Pour mediapart.fr donc, Samuel Dixneuf présente « les faits » en ces termes : « Pascal Bernheim, coauteur de la Revue de Genève, rebondissant sur des propos tenus par Frédéric Recrosio, a qualifié, en aparté, Dieudonné, de ‘nègre’. Assez savoureux et pas vraiment hors sujet dans une émission dont il est à propos de reprendre précisément l’ordre du jour : ‘Peut-on rire de tout ?’ ». Faire semblant de ne pas saisir la portée à deux temps d’un vocable raciste diffusé sur antenne pour tenter un recadrage scabreux et mensonger, voilà sans doute le « nouveau journalisme » cautionné par Edwy Plenel.
Olivier Mukuna
Négrophobie francophone sur fond d’Obamania triomphante (2)
Publié par Le Bougnoulosophe à 12/14/2008
Libellés : MANIERES DE FAIRE
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4 commentaires:
Cher Olivier Mukuna,
Vous confondez, sans doute par méconnaissance, Mediapart et son Club. Mediapart est en effet à la fois un journal (fait par des journalistes) et un club de ses lecteurs (une plate-forme de blogs). Le propos que vous citez est donc celui d'un blogueur, aussi libre de ses écrits et de sa pensée que vous l'êtes ici. Un propos qui appelle débat, comme c'est naturellement le cas pour ton contenu d'un média participatif comme Mediapart.
Ce ne sont donc pas les miens, ni ceux de la rédaction de Mediapart. Pour mes positions sur le sujet, je vous recommande l'un de mes livres, "La Découverte du monde" (Folio), ou mes propres articles sur Mediapart (par exemple après la mort d'Aimé Césaire, après celle de Mahmoud Darwich ou après l'élection de Barack Obama). Je vous recommande aussi vivement d'autres contributions de notre Club, par exemple du poète Edouard Glissant ou de l'historien Achille Mbembe.
Bien à vous,
Edwy Plenel, directeur de Mediapart
Cher Edwy Plenel,
Je vous remercie pour votre réaction suite à mon article sur la négrophobie francophone et la complicité et/ou tolérance médiatique dont elle bénéficie. Le fait même de réagir vous honore et j’en profite, ici, pour remercier également le « Bougnoulosophe » d’avoir favorisé la possibilité d’un échange en ligne.
Je vais donc vous apporter quelques précisions et interrogations. Si j’ai confondu la rédaction de médiapart.fr et son « club participatif », c’est qu’en accès gratuit, et en l’espèce, la démarcation est pour le moins aléatoire. En introduisant l’occurrence « Dieudonné » dans le moteur de recherche de votre site, « billets de blog » et « articles » apparaissent listés sur une seule colonne. Sous chaque titre et extraits de texte sélectionnés, les deux qualificatifs précités - censés permettre l’identification d’un article journalistique ou d’une opinion de bloggeur - sont rédigés en petits caractères peu frappants. Enfin, du seul point de vue factuel, aucun article, signé par un journaliste de la rédaction de mediapart.fr, n’est venu corriger la prose mensongère de Samuel Dixneuf qui se dit, sur votre site, « journaliste et professeur de littérature ».
Sans accès à la partie payante de mediapart et sauf erreur de ma part, une question demeure : pourquoi votre journal en ligne, qui revendique son indépendance, n’a-t-il pas traité professionnellement de l’affaire TSR/Dieudonné ?
Par ailleurs, je ne vous ai pas attribué la prose de Dixneuf, mais estimé qu’elle pouvait sans doute être cautionnée par vous en tant que « nouveau journalisme » ou, si vous préférez, « journalisme citoyen sur le net ». Cette nuance posée, je vous remercie de m’avoir détrompé sur ce point. Mais j’insiste : lorsqu’une rédaction en ligne laisse - sans contrepoids journalistique - un blogeur qui se dit journaliste travestir « les faits » d’une actualité, n’est-on pas conduit à penser que ladite rédaction, et plus particulièrement son directeur, semblent cautionner ce travestissement ?
Suivant vos recommandations, j’ai lu vos écrits sur les disparitions d’Aimé Césaire et de Mahmoud Darwich ou sur la victoire de Barack Obama. Des contributions lucides, riches et clairvoyantes que je partage globalement et regrette d’avoir manquées lors de leur diffusion. Ces analyses pertinentes sont également complémentaires de mon dernier article. Complémentaires parce qu’en déclinant « l’actualité de la question coloniale » et « les leçons françaises d’une surprise américaine », elles oublient un développement : le traitement médiatique français et francophone du cas d’école Dieudonné ...
Un sujet d’actualité, récurrent depuis quatre ans, en prise directe avec, ce que vous appelez pudiquement, « le retard français » envers l’intégration et l’ascension sociale de la « diversité ». Il n’est plus question de « retard », cher Edwy Plenel, mais de choix discriminatoires et révoltants posés, tolérés et renouvelés depuis deux générations ! Des décisions motivées ou inspirées par ce qu’il est plus juste d’appeler : les racismes négrophobe et anti-arabe structurels, propres à la Francophonie européenne.
Je me demande d’ailleurs si l’auteur du pertinent « penser contre soi-même » serait en mesure de développer, de façon plus argumentée, sa « position » expéditive sur Dieudonné, écrite à l’occasion d’une vigilance journalistique pointue en faveur du dessinateur blanc Siné (« Rien dans ses engagements publics ne permet de l’assimiler à la récurrente mouvance rouge-brune, spectaculairement incarnée par la dérive de Dieudonné, passé de l’antifascisme militant au lepénisme criant » ; www.mediapart.fr, 3 août 2008) ?
En conclusion, je vous recommande à mon tour les ouvrages d’Odile Tobner : « Du racisme français » (Les arènes), « Négrophobie » (avec Boubacar Boris Diop et François-Xavier Verschave - Les arènes) et, bien entendu, le mien : « Egalité zéro – Enquête sur le procès médiatique de Dieudonné » (Blanche).
Bien à vous,
Olivier Mukuna
Journaliste indépendant
Cher Olivier Mukuna,
Dubitatif face au caractère assez tortueux de la première partie de votre analyse sur Obama -je vous rejoins néanmoins lorsque, dans un second temps, vous relativisez l'espoir incarné par ce dernier- et sa conclusion très orientée et peu étayée -dont le lexique appartient de plus a une rhétorique, a mon sens, dépassée, ("célébrons le métissage à condition que le métis en question soit, in fine, contrôlable par le pouvoir blanc"), je me permets de revenir sur votre paragraphe intitulé "Recadrer pour manipuler":
Merci tout d'abord de nous rappeler que le terme nègre/nigger est devenu aussi -mais pas seulement, une "revendication d'existence". C'est le cas depuis 50 ans et pas seulement dans la bouche de Césaire. Dans la bouche des "blancs", en revanche, il est toujours perçu comme étant insultant.
Ensuite vous citez mes propos. Qui produisent un recadrage "scabreux et mensonger". Expliquez-vous. De quoi parlez-vous ? Qu'est-ce qu'une "portée a deux temps" ? En quoi ai-je travesti les faits ?
Vous enchaînez ensuite bille en tête, dans votre commentaire, sur la négrophobie (ah bon ?) avant de mettre en doute mes fonctions... Allons bon, si le diagnostic d'un médecin ne vous plaît pas il n'est plus médecin,,, Reprenez-vous!
Enfin vous faites un procès d'intention a Mediapart. Edwy Plenel vous a répondu. Je tiens à ajouter que vous avez lu un billet de mon blog, qui n'est pas un journal, que je distingue fermement du « journalisme de recherche et d’approfondissement ». Ce n'est pas le (seul) principe de mon blog que de faire du journalisme de recherche. J'utilise d'autres media pour cela.
Ne versez pas dans le délire de persécution, qui me semble être parfois le moteur de vos écrits, qui, par ailleurs sont souvent pertinents.
cordialement,
Samuel Dixneuf
"Je me demande d’ailleurs si l’auteur du pertinent « penser contre soi-même » serait en mesure de développer, de façon plus argumentée, sa « position » expéditive sur Dieudonné"...
http://www.mediapart.fr/journal/france/311208/dieudonne-ce-pitre-qui-ne-fait-pas-rire
SD
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