L'émigré-immigré, tout comme monsieur Jourdain était un prosateur né, fait de la politique sans s'en douter, puisque tant son être-là que sa condition de possibilité de bougnoul sempiternel sont politiques... Peut-être est-il temps de rendre explicite cet implicite-là? Devinez comment...
« Emigrer constitue objectivement - c’est-à-dire à l’insu de tous les partenaires et indépendamment de leur volonté - un acte qui, à n’en pas douter, est fondamentalement politique. Même s’il est dans la nature même du phénomène migratoire de le masquer et de le nier. Cela est encore plus vrai dans le cas d’une émigration qui s’inscrit dans un contexte colonial : elle est politique en dépit du fait qu’elle est à destination de la métropole ou, plus précisément, parce qu’elle est en destination de la métropole. Tout immigré de la colonie ou tout indigène de quelque colonie émigrant vers la métropole ne peut oublié qu’il est d’abord et avant tout un colonisé (et non pas un simple immigré au même titre que tout étranger). Colonisé, c’est-à-dire nié politiquement dans son être politique et historique national. Ainsi l’émigré algérien fut amené à découvrir, à l’occasion de son émigration, la politique et le nationalisme – car, à la limite, il n’y a pour le colonisé, de politique que nationaliste. C’est en tout ces sens qu’on peut dire que l’exil revêt, nécessairement une signification politique. Une occasion, plus que tout autre, propre à créer et à renforcer les liens de solidarité, l’exil auquel contraint l’émigration, c’est-à-dire l’existence minoritaire telle qu’elle s’impose et qu’elle doit être subie quand on doit vivre chez les autres (qui, en la circonstance, se trouve être les colonisateurs), ne pouvait que forger, entre les uns et les autres, une communion inédite de pensées et d’espoirs, quand ce n’est pas de revendications et d’actions militantes, ou encore de visées proprement politiques.» (Abdemalek Sayad, La double absence).
De l’émigration-immigration comme d'un acte politique…
Publié par Le Bougnoulosophe à 11/01/2008
Libellés : POSTCOLONIE
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