Cynisme, bobards et hypocrisie...

Vous vous souvenez, sans doute, qu'en Chine, on fait payer (8 euros) la balle fatidique aux parents des condamnés à mort, eh bien, au pays des droits de l'homme et du ministère de l'identité nationale et de l'immigration, l'on est pas en reste, on a simplement gardé l'esprit pratique, en proposant un faites-le vous même aux sans-papiers... Ainsi, la France, jamais en manque d'humanisme, leur enjoint de construire eux-même leur propre centre de rétention ! Ne saviez-vous pas que derrière chaque sans-papier se cache un bourreau de soi-même, un Héautontimorouménos, qui s'ignore...Et demain, peut-être, nous aurons droit à la prison montée en kit et gonflable, à l'attention de l'armée de réserve des petits bagnards de France et d'ailleurs... Sait-on seulement que, au pays des droits de l'homme, les sans-papiers en prison, simplement parce que sans papier, représentent 35% de la population carcérale ? Tiens, à propos, savez-vous à quoi peut bien servir un sans-papier (1) ?

Sans-papiers, ils construisaient… un nouveau centre de rétention. Pour le compte de l’Etat. Trois clandestins employés sur un chantier qui dépend du ministère de la Défense travaillaient à l’extension du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) quand ils ont été interpellés lundi dernier. Ils se sont ensuite retrouvés à quelques mètres de là… de l’autre côté de la barrière. «Ils ont tous été conduits au centre de rétention», confirme un policier à Libération. Il parle également d’un quatrième homme, arrêté jeudi. Hier, le ministère de l’Immigration n’en comptabilisait que trois. Deux d’entre eux, de nationalité turque, ont été placés en rétention au Mesnil-Amelot, situé au pied des pistes de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. L’un a été libéré par le juge des libertés mercredi. L’autre se trouve encore en rétention : ltikat Tuma, un Turc de 35 ans employé par Intérim Alpha, une agence d’intérim du Loiret. Il confirme depuis le Mesnil-Amelot : «Je suis en France depuis deux ans et demi. J’ai été embauché par cette agence d’intérim pour venir travailler sur l’extension du centre de rétention.» Le troisième, de nationalité indéterminée, a été laissé en liberté avec un arrêté de reconduite à la frontière.

Incitation à la révolte. Les services de Brice Hortefeux n’ont pas voulu ajouter de commentaires. Hier soir, Faouzi Lamdaoui, secrétaire national du PS à l’égalité, appelait le ministre à «s’expliquer immédiatement sur l’emploi de ces étrangers en situation irrégulière sur un chantier public, dans des conditions illégales ».

Quand, lundi matin, sur information d’une entreprise de gardiennage, les trois travailleurs sans papiers ont été arrêtés par les policiers du commissariat voisin de Mitry-Mory, les militants de l’association SOS soutien aux sans-papiers n’ont pas été surpris. «Cette extension du centre de rétention pilotée par le ministère de la Défense constitue un marché public au plus bas prix, dénonce Rodolphe Nettier, son président. On veillait naturellement à ce que des sans-papiers ne construisent pas leur propre prison.» L’association appelle à manifester depuis plusieurs semaines devant les grilles du Mesnil-Amelot.

Samedi 2 août, alors qu’une quarantaine de militants étaient présents à l’extérieur du centre, des heurts se sont produits entre retenus et policiers. Deux débuts d’incendie - vite maîtrisés - ont été provoqués par des occupants. Dans la foulée, le ministre de l’Immigration a accusé l’association d’incitation à la révolte (Libération du 7 août) et interdit toute manifestation à proximité du centre. Confrontés aux positions musclées du ministre sarkozyste, les militants ont fait le choix de ne pas se rassembler samedi 9 août, afin d’éviter «une très probable interpellation aussi inutile qu’improductive».

Renverser la vapeur. Après les arrestations des sans-papiers travaillant au Mesnil-Amelot, Nettier et ses amis tentent de renverser la vapeur : «Les gens qui nous accusent de provoquer la venue de sans-papiers sont ceux-là même qui les emploient illégalement. Ce sont eux qui provoquent ce fameux appel d’air tant décrié. Nos accusateurs sont ceux qui asservissent les sans-papiers. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de ces gens-là.»

Les nouveaux bâtiments du Mesnil-Amelot pourront contenir 240 personnes. La Cimade, association d’aide au droit des étrangers, la seule habilitée à être présente dans les centres de rétention, avait demandé «l’abandon» de ce projet.

Mourad Guichard


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