On se souvient que pour l’écrivain algérien Kateb Yacine, « la langue française était le butin de guerre » de la décolonisation. Il semblerait qu’un présent supplémentaire, sous la forme d’un cadeau empoisonné, ait fait partie du voyage, tout à la fois comme produit de contrebande et comme passager clandestin. Ce cheval de Troie, c’est le « désir mimétique » d’être blanc. Car ici, comme pour la féminité, il n’est nul déterminisme biologique, on ne naît pas blanc, on le devient, si les autres Blancs vous le concèdent toutefois… On le sait ce désir imitateur s’est longtemps tapi sous le discours portant sur la « francophonie ». On peut voir aujourd’hui qu’il s’affiche sans retenue dans les média mainstream. Si on ne craignait de faire de la publicité à l’Arabe utile du PAF, idiot de l’année, peut être bien de la décennie !, on baptiserait bien ce trouble de « complexe du Meddeb » ou plus trivialement de Meddeberie. On peut trouver l’ensemble des symptômes de ce complexe dans un livre récent. Ce livre, écrit par Boualem Sansal, pourfendeur de tabou de son état, s’intitule « Le Village de l’Allemand ». Ainsi Boualem, nouvel Atlas du Maghreb, voudrait lui aussi partager le fardeau de l’homme blanc. C’est-à-dire d’un même mouvement être l’opérateur de la mission civilisatrice de l’occident et goûter aux joies troubles de la culpabilité judéo-chrétienne. Et quel thème, pour un héros d’une telle étoffe, est plus porteur de conscience malheureuse que la Shoah ? Le malheur, car le tragique accompagne toujours le héros, est que cela ne concerne aucunement les aires géographiques et culturelles d’où notre contempteur « des injustices, des mensonges, des diktats de toutes natures » est issu. Il n’est pas un juif d’Algérie, devenus Français depuis le décret Crémieux, qui n’ait été déporté à Auschwitz ou à Dachau ! Qu’à cela ne tienne, notre Schindler de Bab El Oued, notre « Juste » d’un douar de Boumerdès invente et affabule à toute berzingue. Et il n’est aucun Sancho Pança pour le réfréner… Mais ces affabulations, tout à l’inverse du « mentir-vrai » cher à Aragon, s’avère être un vrai mensonge éhonté, aussi épais que grossier, soit la marque de fabrique de tous les idéologues à gage, fidèle en cela au principe élémentaire de la propagande depuis Goebbels, plus c’est gros plus ça passe … Voilà pour le fond. Pour la forme c’est pire. A ce gros bobard, l’expression consacrée « si ce n’est vrai, c’est bien trouvé », n’est pas plus de mise, tellement le procédé littéraire employé est défraîchi. Il consiste en l’emploi de la figure plus qu’usée du double, ici en l’espèce les frères Schiller, le malheur est que notre tâcheron littéraire, ce prenant pour un Goliath, n’est ni Poe ni Borges, pourtant tant qu’à devenir blanc, il eut été judicieux de devenir un Blanc de talent… Ici, l’usage du double relève bien plus des troubles identitaires, existentiels de l’auteur – notamment de cette souffrance que provoque l’inconvénient d’être né non-blanc - que de la révélation d’une vérité occultée. Intéressons-nous plus précisément au trouble du Zarathoustra de Boumerdès. « L’humanité, écrivait Schopenhauer, tel un pendule, oscille entre deux maux la douleur et l’ennui ». Si pour le peuple palestiniens et les quartiers populaires d’Algérie, par exemple, il s’agit bien de douleur, pour Boualem Sansal, universitaire et haut fonctionnaire, ne lui en déplaise, c’est belle et bien à l’ennui qu’on a affaire, le sien et le nôtre en le lisant… Cette vacuité, ce spleen de l’establishment dont il est issu, qu’il camoufle en pensée contre soi-même, avec la posture de l’héroïsme comme plus value pour salon littéraire, ne trompe personne sinon lui et ses commanditaire. Car Boualem Sansal c’est un genre d’Hamlet algérien, un héros dostoïevskien avec un compte en banque bien fourni… On le sait : il n’est pas de vérité absolue, il n’est de vérité que située. Aussi envisageons le contexte dans lequel cette grande oeuvre apparaît. Et cela n’a rien d’un hasard. Soit une Europe, la nôtre, où il est fait un usage immodéré du qualificatif nazi, et de son champ lexical ; ensemble de termes qu’on accole à tout ce qui concerne les choses de l’islam. « Nazislamiste », « fascisme vert », « le nouveau totalitarisme »… Cette Europe où l’on a de cesse nous expliquer que le monde musulman, et ses excroissances fantasmatiques en Europe, est le lieu d’où nous vient « la nouvelle judéophobie », comme il a été le lieu où les véritables atrocités de la traite négrière ont pris leur source et demain, sans doute, l’on nous expliquera savamment qu’ Hiroshima a été conçu dans le cerveau enfiévré d’un musulman américain. Ou que l’uranium qui a permis « Little Boy » était islamique. Ne riez pas, vous verrez…Il est désormais des populations et des parties du monde que, dans une volonté de division des tâches, on spécialise définitivement dans la barbarie et l’inhumanité dans toute ses formes. Elles en ont le monopole. Le dispensateur de rôle, comme il se doit, est occidental et s’arroge la part de choix, celle du surmoi et de la bonne conscience de la planète. Et pour ce faire, il a un besoin absolu d’une légion de chroniqueurs bronzés, crédibilité oblige, dont la possession de talent est accessoire, pourvu qu'ils se croient blancs et éclairés et pourvu qu'ils sachent affabuler utilement, cette légion a pour boy scout Boualem Sansal … Cette conscience clivée instillée dans l’ancien colonisé, dont Boualem est l’incarnation, c’est le « butin de guerre » des anciens colons !
Boualem Sansal ou le « butin de guerre » des anciens colons…
Publié par Le Bougnoulosophe à 3/04/2008
Libellés : POSTCOLONIE
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