Les Palestiniens et « Jim Crow »

La controverse suscitée par la déclaration scandaleuse de Newt Gingrich, l'an dernier, suivant laquelle les Palestiniens seraient « un peuple inventé » aurait dû conduire à une plus grande prudence dans la formulation des déclarations publiques des politiciens américains à propos d'Israël et de la Palestine.

Cela ne semble, toutefois, pas avoir été le cas : Mitt Romney a récemment jugé que « les Palestiniens ne sont pas intéressés par la paix », comme s'il faisait là une observation factuellement incontestable. D'un point de vue moral, cela équivalait à dire que les Afro-Américains n'ont jamais été intéressés à mettre fin aux Lois Jim Crow ou que les Noirs Sud-Africains ne voulaient pas démanteler l'Apartheid. Il est révélateur que Romney a proposé cette caractérisation de la position politique des Palestiniens dans un discours (destiné à une collecte de fonds parmi les ultra-riches en Floride) où il insistait sur le fait que 47 % des personnes dans ce pays croient qu'elles ont le droit à une aide gouvernementale et ne veulent pas « prendre leur responsabilité personnelle et prendre soins de leur vie. »


On pouvait s'attendre à la convergence entre les positions rétrogrades concernant les garanties gouvernementales à propos de l'accès universel aux aliments, aux soins de santé, aux logements et les politiques rétrogrades de colonialisme pratiquées par Israël. Mais le Parti Démocrate ne fait guère mieux quand il s'agit d'Israël et de la Palestine.

Lors de sa récente convention nationale, la direction du Parti (Démocate) a choisi d'ignorer le vote des délégués (qui se fait par un vote de vive voix à une majorité des deux tiers) - en dépit du fait que la réponse orale de la convention en avait clairement décidée autrement - en affirmant que Jérusalem est la capitale d'Israël (*). Un tel comportement scandaleusement antidémocratique  rappelle des moments du passé de l'histoire de la Convention, notamment la conduite envers Fannie Lou Hamer et le Mississippi Freedom Democratic Party en 1964.

Dans mon pays d'origine, la Californie, des élus sont allés jusqu'à encourager la violation du Premier Amendement, afin de contrôler l'opposition à Israël. En réponse, en grande partie, aux étudiants de l' Université de Californie qui supportent la campagne du BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) contre Israël, les législateurs de l' État ont récemment adopté un projet de loi d' l'Assemblée (HR 35) qui  appelle les autorités du campus à restreindre l'activisme étudiant qui serait jugé critique à l'égard d'Israël . 

Ces mesures désespérées montrent implicitement que mettre fin aux critiques d'Israël est plus important que la protection des droits constitutionnels. Peut-être que ceux qui soutiennent ces mesures craignent l'utilisation de plus en plus répandue du terme « apartheid» pour décrire Israël, qui est utilisé non seulement par les étudiants mais aussi par des personnalités telles que le président Jimmy Carter et l'archevêque Desmond Tutu.

S'ils craignent l'émergence d'un nouveau mouvement anti-apartheid, cette fois dirigée contre Israël, ils pourraient très bien avoir raison. Le mouvement BDS a gagné  rapidement des appuis : au printemps dernier, Eighth Annual Israeli Apartheid Week a été observée sur les campus en Afrique du Sud, en Europe, en Amérique du Nord et dans le Monde Arabe.

Peu  après le passage du projet de loi d'Assemblée de Californie (HR35), des associations d'étudiants de l'Université de Californie ont adopté une résolution particulièrement forte, qui non seulement s'oppose au HR35, mais elle reconnait « la légitimité du BDS comme un outils important des mouvements sociaux » et encourage « tous les établissements d'enseignement supérieur à nettoyer leurs portefeuilles d'investissement des investissements non éthiques dans des entreprises impliquées ou en profitant de la violation des droits humains, en ne faisant aucune exception pour aucun pays. »

Nous, ici aux États-Unis, devrions être particulièrement conscients des similitudes entre les pratiques historiques du Jim Crow et les régimes contemporains de la ségrégation en Palestine occupée. Si l'on s'en tient au plus important enseignement du Dr. Martin Luther King - que la justice est toujours indivisible -, il est clair qu'un mouvement de masse solidaire des Palestiniens a pris un long retard.

Angela Davis 


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