Dictionnaire des dominations de sexe, de race, de classe

L’origine de cet « essai de dictionnaire » des dominations n’est pas le résultat d’un projet éditorial mûrement réfléchi et parvenu à son terme. Il est le résultat pragmatique d’un travail de réflexion collective qui poursuivait initialement d’autres objectifs. Les essais de définition que nous proposons aux lecteurs ont, en effet, été élaborés progressivement à l’occasion d’actions-recherche, d’articles et de prises de position en réponse au besoin que nous avons rencontré de faciliter l’accès et l’appropriation de mots et concepts indispensables pour comprendre le fonctionnement de la société. Au fur et à mesure, le travail de définition a donné naissance à la rubrique du site Les Figures de la domination intitulée « Glossaire » qui s’est progressivement étoffée. Ce site a pour objectif de mettre à la disposition des militants des mouvements sociaux des éléments théoriques et idéologiques que nous pensons nécessaires aux combats contre les dominations. La proposition qui nous a été faite de publier ce travail ne pouvait que nous intéresser. Certaines définitions ont été approfondies, d’autres réduites et d’autres encore ajoutées pour aboutir à cet ouvrage.

Le collectif Manouchian qui anime le site Les Figures de la domination ne se définit pas comme un collectif de chercheurs mais comme un regroupement de militants ayant eu par leurs trajectoires accès à des savoirs et connaissances et voulant mettre ceux-ci au service de la lutte contre les dominations de classe, de sexe et de race. Il assume cet engagement et le considère même comme une nécessité pour réfléchir et comprendre ces dominations. Il n’y a pas pour les membres de ce collectif de connaissances qui ne soient pas situées, ni de subjectivité qui pourrait se prétendre au-dessus de la mêlée des affrontements sociaux, quand bien même elles se doteraient des méthodologies scientifiques les plus poussées. Tant que subsiste la domination, il n’existe pas de tierce position qui se situerait ni du côté des dominants, ni du côté des dominés. Les luttes sociales se menant également dans la sphère des idées, chacun est inévitablement sommé au positionnement, étant entendu que le non-positionnement explicite est un positionnement implicite.

Les essais de définitions ici proposés ont été élaborés au fur et à mesure du temps et de l’actualité. Ils sont inévitablement marqués par cette actualité et par les enjeux immédiats qu’elle portait au moment de la rédaction. Ils ne prétendent pas recouvrir l’ensemble du thème concerné mais visent plus modestement à souligner des dimensions qui nous ont semblé importantes sur chacune des entrées. Il n’y a en conséquence aucune prétention à l’exhaustivité, ni à l’objectivité. Il en est de même pour le choix des entrées inévitablement limitées en nombre. De nombreuses autres entrées auraient mérité de figurer dans ce dictionnaire et leur absence ne signifie en rien une sous-estimation de leur importance. Elle reflète simplement un travail inachevé et qui le restera inévitablement à l’avenir, tant il est vrai que les dominations suscitent en permanence de nouvelles idéologies de légitimation et de nouveaux mots piégés.

Les rédacteurs ne sont pas unis sur l’ensemble des questions ici abordées. Ils sont en revanche convergents sur deux convictions profondes : la nécessité de contribuer au combat social par la critique des idéologies de légitimation d’une part, et la conviction de l’existence d’un système de dominations qui articule les facteurs de classe, de sexe et de race, d’autre part. Les références théoriques peuvent être dissemblables sur certains thèmes, les approches différentes sur certains enjeux et, plus rarement, les positionnements sur certaines questions. Ils expriment simplement l’état d’une pensée collective en construction par l’échange contradictoire, c’est-à-dire une convergence qui ne signifie pas une unicité.

Ces éléments contextuels étant posés, précisons quelques éléments de repères avec lesquels nous abordons les questions liées aux dominations appréhendées ici comme des violences destructrices massives, face auxquelles les violences des dominés ne sont que des conséquences logiques.

Une approche matérialiste, historique et systémique

À l’exception de la question du fonctionnement de la « communauté primitive » toujours en débat, toutes les sociétés que l’humanité a jusqu’à présent connues sont caractérisées par l’existence de rapports sociaux de domination. Toutes sont également caractérisées par l’existence de luttes des dominés, sous des formes multiples et variables, pour abolir les rapports de domination qui les assignent à certaines places sociales, fonctions, statuts, etc., dont la caractéristique essentielle est la production de désavantages sociaux, économiques, matériels, etc. La domination peut ainsi se définir dans un premier temps comme l’exercice d’une contrainte directe ou indirecte, physique et/ou morale et/ou psychologique et/ou symbolique, etc., visible ou invisible, imposée par la force brute ou par l’« intériorisation », prenant une forme personnelle (comme dans le rapport social esclavagiste) ou impersonnelle et systémique (comme dans le rapport social capitaliste).

Notre approche matérialiste nous conduit à considérer la domination comme étant un rapport social, c’est-à-dire un rapport entre groupes sociaux ayant des effets sociaux concrets : l’appropriation d’un groupe social par un autre (de son corps, de son travail, de son temps, de son espace, etc.). La domination se traduit inévitablement par un processus de chosification du dominé par le dominant, de réification. Les désavantages du dominé n’existent pas en eux-mêmes (par nature, par essence ou par incapacité), mais s’inscrivent comme résultats du rapport social et donc comme conditions des avantages des dominants. Il n’y a donc pas de domination sans distributions inégalitaires d’avantages et de désavantages. La domination ne relève pas de la sphère individuelle même si, bien entendu, elle se concrétise, entre autres, dans les rapports interindividuels quotidiens. Elle a une fonction sociale et matérielle.

Cette approche s’oppose à toutes les variantes idéalistes concevant la domination comme résultat du comportement individuel, des mentalités, de l’éducation, de la méconnaissance, etc. Ces idéalismes occultant l’ancrage matériel et social des dominations, refusant de prendre en compte les résultats concrets des rapports de domination, inversent l’ordre des causes et des conséquences. C’est ainsi, parce que l’inégalité homme/femme porte des intérêts concrets, qu’est reproduit le sexisme comme idéologie et comme « mentalité » et non l’inverse. De même, c’est parce que les discriminations racistes ont des effets concrets de distributions d’avantages aux uns et de désavantages aux autres que se reproduisent les « mentalités racistes » et non l’inverse.

Les rapports sociaux de dominations s’inscrivent également dans une histoire. Les schèmes idéologiques et les espaces mentaux de justification et d’intériorisation des dominations, une fois produits à partir des intérêts matériels et sociaux et pour les servir, ont une fonction de production permanente et de reproduction des cadres pour penser et élaborer les rapports de domination. L’histoire des rapports sociaux de dominations est l’histoire des différentes formations sociales qui se sont succédé dans l’histoire de l’humanité. La lutte des classes et groupes dominés de chacune de ces formations sociales est le « moteur de l’histoire » pour paraphraser Karl Marx.

La disparition d’une des formes de la domination ne signifie pas la disparition de la domination. Les rapports sociaux de domination s’adaptent aux rapports de forces et aux contextes. Les formes de la domination se transforment les unes dans les autres (classe, race ou sexe), passant d’une forme à l’autre, brouillant les pistes, inventant à chaque fois des modes de protection systémiques au cœur de la domination. Ainsi, par exemple, la disparition des formes les plus ouvertes de la domination physique (l’esclavage par exemple) a signifié son remplacement par des formes plus indirectes. Il n’y a pas cependant passage mécanique d’une forme à une autre. L’histoire des dominations ne peut pas être réduite au passage d’une forme à l’autre. En effet, il convient, selon nous, de réinsérer cette histoire dans sa dimension systémique. Chaque époque historique et ses classes dominantes recyclent en quelque sorte les dominations du passé pour les mettre à leur service. C’est de ce fait qu’une même formation sociale peut avoir comme caractéristiques d’articuler dans une même logique d’ensemble des rapports de dominations patriarcaux, féodaux, capitalistes, etc. Il en est de même des schèmes idéologiques et des espaces mentaux qui découlent de ces rapports et qui les reproduisent. Les imaginaires patriarcaux, esclavagistes, coloniaux, etc. peuvent ainsi retrouver de nouvelles efficaces. Ils ne sont dès lors pas de simples restes du passé qui disparaîtraient avec l’effet du temps mais des productions du présent au service d’intérêts contemporains.

L’inscription des rapports sociaux dans une dimension historique et systémique est, selon nous, nécessaire pour saisir à la fois les processus d’invalidation, d’instrumentalisation, de dévitalisation des acquis des luttes contre les dominations. Le découplage d’un acquis d’égalité de sa dimension systémique ouvre la voie à ces processus. La conquête du droit de chacun à la maîtrise de son propre corps peut, par exemple, être dévitalisée par l’imposition d’une norme commerciale du « beau ». La contrainte directe est alors tout simplement remplacée par une contrainte indirecte mais les conséquences en termes de rapports sociaux inégalitaires entre les sexes restent inchangées. Penser la domination suppose donc de penser l’émancipation.

L’émancipation comme processus de destruction du pouvoir d’appropriation

La domination étant, pour nous, l’exercice d’une contrainte, l’émancipation est le processus de destruction du pouvoir des dominants de s’approprier un sujet ou un groupe social (son temps, son espace, son travail, son corps, etc.), qui signifie dans le même mouvement le développement de la puissance d’agir des dominés. L’étymologie du terme lui-même renvoie à cette puissance d’agir. Issu du latin emancipatio, le terme désignait l’acte juridique par lequel le pater familias libérait son fils de son pouvoir paternel et lui conférait ainsi une puissance d’agir pour lui-même et par lui-même. Notons que dans cette acception, c’est le dominant qui émancipe le dominé. « L’émancipation : l’étymologie de ce terme nous interroge déjà sur sa richesse, sa complexité et sa fécondité : le latin emancipare, qui signifie affranchir un esclave du droit de vente, venant de “e” privatif et manucapare (prendre en main), l’achat des esclaves se faisait en les prenant par la main[1]. » C’est d’ailleurs encore cette version d’une émancipation octroyée par le dominant qui préside aux présentations de l’abolition de l’esclavage dans les manuels d’histoire contemporains ou des femmes musulmanes aujourd’hui.

Contrairement à cette vision, nous considérons l’émancipation non seulement comme l’augmentation de la puissance d’agir du dominé, mais comme la destruction par les dominés du pouvoir d’appropriation des dominants. Sans cette destruction, l’émancipation est inévitablement contrainte, limitée, apparente, sous tutelle, etc., c’est-à-dire qu’elle masque une transmutation des formes de la domination, qui ne fait pas disparaître celle-ci. C’est dire l’illusion que constitue la croyance en une « émancipation individuelle », c’est-à-dire la croyance en une émancipation qui n’abolit pas les conditions sociales et matérielles de la domination.

Penser l’émancipation comme étant le développement de la puissance d’agir des dominés par la destruction du pouvoir d’appropriation des dominants, suppose de considérer que les dominés ont une puissance d’agir au sein même de la relation de domination. Tant que le rapport de forces ne permet pas à cette puissance d’agir de détruire le pouvoir d’appropriation, nous sommes en présence d’une résistance des dominés qui peut prendre des formes multiples. Quand le rapport de forces permet d’envisager la destruction du pouvoir d’appropriation des dominants, nous sommes en présence d’un processus d’émancipation. Les dominés sont ainsi toujours porteurs d’une puissance d’agir prenant la forme d’une résistance ou d’un processus émancipatoire en fonction du rapport des forces. C’est ce que souligne Frantz Fanon à propos du colonisé : « [Il] est dominé, mais non domestiqué. Il est infériorisé mais non convaincu de son infériorité. Il attend patiemment que le colon relâche sa vigilance pour lui sauter dessus. Dans ses muscles, le colonisé est toujours en attente[2]. »

C’est dire qu’il convient d’aborder la question de l’intériorisation de la domination avec beaucoup de prudence. Il ne s’agit pas d’affirmer que le processus d’intériorisation n’existe pas, mais simplement que celui-ci n’est jamais total, permanent et unilatéral. La tendance à sous-estimer la lucidité des dominés sur les rapports de dominations qu’ils subissent et sur leurs enjeux fait partie intégrante, selon nous, d’un regard dominant sur les dominés. Il n’y a pas d’adhésion du dominé à sa domination mais des moments historiques et des rapports de forces dans lesquels le refus de la domination ne peut pas prendre une forme ouverte et explicite. Les résistances et les remises en cause d’une domination prennent les formes qu’elles peuvent prendre compte tenu d’un contexte historiquement situé et caractérisé par un état du rapport des forces[3].

C’est dire également qu’il ne peut y avoir d’émancipations contraintes, d’émancipations offertes, d’émancipations octroyées. L’émancipation en tant que conquête d’une nouvelle puissance d’agir par soi-même et pour soi-même suppose la mise en mouvement des dominés, leur prise de parole et de pouvoir, leur sortie de l’invisibilité. Le processus d’émancipation ne peut donc être qu’un processus d’auto-émancipation. Toutes les postures paternalistes, maternalistes ou fraternalistes sont ainsi contradictoires avec l’idée même d’émancipation.

C’est dire enfin qu’il ne peut pas exister de processus linéaires et totaux d’émancipation. C’est par rapport à des dominations précises et concrètes que se déploient les résistances des dominés et non contre l’idée abstraite de domination ou contre toutes les dominations. C’est en réaction aux effets destructeurs d’une domination sur l’existence concrète que se met en branle la résistance, puis le processus d’émancipation. Il est donc vain d’attendre des dominés une cohérence absolue, une pratique non contradictoire, un projet entièrement défini[4]. C’est pourquoi il convient de distinguer libération et émancipation. Dans le processus d’émancipation, c’est le pouvoir d’appropriation des dominants qui est remis en cause. Le résultat en est certes une « libération » accrue, mais celle-ci est inévitablement partielle, située socialement et historiquement. La libération est donc le résultat de l’émancipation dans les limites historiques et sociales imposées par le contexte et la période.

« Consentement du dominé » ou « anesthésie de la conscience »

Domination, oppression, exploitation, asservissement, assujettissement, domestication, etc., les termes qui tentent de décrire les rapports sociaux inégalitaires sont multiples. Utilisés fréquemment comme synonymes, ces différents termes (et les relations que les processus qu’ils décrivent ont entre eux) méritent d’être précisés. Pour ce faire, il convient de prendre en compte les deux modes possibles d’exercice de la domination. Étienne de La Boétie soulignait déjà que la domination était obtenue soit par la contrainte, soit par la tromperie. Cette dernière est pour l’auteur le secret de la domination en produisant une situation où « le tyran asservit le sujet par le moyen des autres[5] ».

Marx et Engels mettaient également en évidence l’articulation de la violence du dominant et de l’idéologie de légitimation de la domination : « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises (unterworfen) du même coup à cette classe dominante[6]. »

Antonio Gramsci insistait quant à lui sur la fragilité d’une domination qui ne reposerait que sur la contrainte. Il posait l’hypothèse de l’existence de deux consciences[7] dans les groupes dominés, la sienne propre et celle qu’il emprunte aux dominants : « L’homme de masse actif agit pratiquement, mais n’a pas une claire conscience théorique de son action qui pourtant est une connaissance du monde, dans la mesure où il transforme le monde. Sa conscience théorique peut même être historiquement en opposition avec son action. On peut dire qu’il a deux consciences théoriques (ou une conscience contradictoire) : l’une qui est contenue implicitement dans son action et qui l’unit réellement à tous ses collaborateurs dans la transformation pratique de la réalité, l’autre superficiellement explicite ou verbale, qu’il a héritée du passé et accueillie sans critique… [Cette situation peut] atteindre un point où les contradictions de la conscience ne permettent aucune action, aucune décision, aucun choix, et engendrent un état de passivité morale et politique[8]. »

La fonction idéologique a bien pour objectif de légitimer les dominations aux yeux des dominés en les faisant apparaître comme « naturelles » (et/ou « intangibles » et/ou « inévitables »). Il s’agit d’agir sur la conscience du réel qu’ont les groupes dominés en présentant comme caractéristiques naturelles et invariantes des résultats sociaux et historiques. Trop souvent encore, ces processus d’entraves à la conscientisation sont analysés comme un « consentement du dominé » à sa domination ou comme un « consentement à la domination ». Nicole-Claude Mathieu a déconstruit les implicites de cette expression. Elle souligne que le dit « consentement » masque souvent un système de contraintes tel qu’aucune autre option que celle de céder n’apparaît aux yeux des dominés. Céder n’est pas consentir[9] : « “Je n’ai appris que l’art de supporter”, dit Rahel Lévin. Voilà bien l’un des traits caractéristiques de la condition des femmes et des esclaves hommes et femmes, car pour eux il n’y a guère d’échappatoire possible hors du système. Une femme fuyant un homme qui la bat retombe sur un autre et le cycle continue. Une femme qui fuit une petite communauté retombe sous l’oppression masculine dans la communauté voisine, comme l’esclave sous un autre maître blanc. Cet « art de supporter » nous mène loin de la théorie du “consentement” des dominés qui possède encore des adeptes[10]. »

Dans un autre texte, Nicole-Claude Mathieu analyse les déterminants psychiques et matériels qui agissent sur la conscience des femmes pour l’anesthésier le plus possible sans que cette anesthésie ne puisse se saisir comme étant un « consentement » : « Le maître croît et dit que l’âne aime la carotte, mais l’âne ne possède pas de représentation d’une carotte sans bâton, contrairement à son maître (il ne partage donc pas “les mêmes” représentations). L’âne consent, tout en espérant la carotte, à ne pas être battu. On pourrait tout aussi bien appeler cela “refus” du consentement. » Par ailleurs, le refus de consentir n’est pas nécessaire pour que la violence soit présente : « La violence contre le dominé ne s’exerce pas seulement dès que “le consentement faiblit”, elle est avant, et partout, et quotidienne, dès que dans l’esprit du dominant le dominé, même sans en avoir conscience, même sans l’avoir “voulu”, n’est plus à sa place. Or le dominé n’est jamais à sa place, elle doit lui être rappelée en permanence : c’est le contrôle social[11]. »

Il ne s’agit donc pas de consentement mais d’aliénation produite par le contrôle social et ses multiples mécanismes. Les dominés sont contraints de céder à la domination par la violence, la contrainte physique et psychique, la fausse symétrie entre dominant et dominé, l’imposition de normes et d’assignations, la désinformation et l’éducation, le manque de temps « libre » pour pouvoir se mobiliser « politiquement », etc.

L’assujettissement décrit justement par Michel Foucault comme une forme de domination contemporaine se distinguant des précédentes par son action visant à soumettre les subjectivités et les consciences. Il distingue ainsi trois formes de luttes contre les dominations : « Les luttes contre les formes de domination ethnique ou sociale qui prévalent dans la société féodale » ; « la lutte contre l’exploitation » au 19e siècle ; et « la lutte contre les formes d’assujettissement – contre la soumission de la subjectivité – qui prévaut de plus en plus[12] » aujourd’hui. L’assujettissement décrit donc, pour nous, le processus mettant en sujétion une personne ou un groupe dominépar le contrôle de sa subjectivité.

Cette forme de la domination vise à faire intégrer à la personne ou au groupe dominé, à sa subjectivité ou à sa conscience d’une part, et (donc) dans ses pratiques corporelles d’autre part,des représentations et des pratiques définies par le dominant. L’assujettissement inscrit dans des pratiques corporelles une normalisation des comportements définie par le dominant. La domination est aussi un dressage des corps. Il s’agit donc d’une action du pouvoir des dominants visant à modifier et à orienter (et donc à limiter) l’action des dominés. Cependant, pour ce faire, le sujet est produit dans le processus d’assujettissement, c’est-à-dire à la fois produit et contrôlé, reconnu et limité. Le pouvoir ne peut donc pas se percevoir uniquement sous l’angle négatif et répressif. Cette double dimension de constitution du sujet et de contrôle de celui-ci par le pouvoir est productrice d’une tension permanente entre soumission et insoumission, domination et résistance : « Car s’il est vrai qu’au cœur des relations de pouvoir et comme condition permanente de leur existence il y a une “insoumission” et des libertés essentiellement rétives, il n’y a pas de relation de pouvoir sans résistance, sans échappatoire ou fuite, sans retournement éventuel ; toute relation de pouvoir implique donc, au moins de façon virtuelle, une stratégie de lutte[13]. »

L’apport de Michel Foucault a indéniablement, selon nous, éclairé des dimensions des relations de dominations jusque-là sous-estimées et des résistances jusque-là invisibilisées. Cependant,comme le souligne Edward W. Saïd, l’approche critique du pouvoir n’est pas synonyme d’une approche contestataire : « En bref, la représentation du pouvoir chez Foucault va largement dans le sens du pouvoir plutôt qu’à contre-sens. […]. Je n’irais pas jusqu’à dire que Foucault a rationalisé le pouvoir ou qu’il en a légitimé l’empire et les ravages en les déclarant inévitables. Je dirais plutôt que son intérêt pour la domination était critique mais, en fin de compte, moins contestataire, moins conflictuel qu’il n’y paraît à première vue [14]. »

La domination symbolique de Pierre Bourdieu est une autre tentative d’expliquer les dominations qui agissent sur la subjectivité ou la conscience des dominés. Il définit le « pouvoir de violence symbolique» comme celui « qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force[15] ». La violence symbolique est bien productrice d’une domination en ce qu’elle impose des significations,des rapports de sens et les rapports sociaux qui en découlent, avec comme effet un renforcement des inégalités sociales. La violence symbolique participe d’un conditionnement des individus par la production d’un habitus inconscient, c’est-à-dire un système de dispositions à penser et agir d’une façon précise, qui est intériorisé au cours de la socialisation et dans la trajectoire. Les dominants ont ainsi le pouvoir d’imposer leur vision du monde aux dominés : « Le propre des dominants est d’être en mesure de faire reconnaître leur manière d’être particulière comme universelle[16]. » Si la violence symbolique est un des mécanismes de (re)production de la domination, l’essentiel de la violence et de la domination est bien matériel. La thèse de Pierre Bourdieu appliquée à la domination masculine a été critiquée[17] par Nicole-Claude Mathieu comme pouvant constituer une sous-estimation de la dimension matérielle de la domination et de sa fonction sociale, c’est-à-dire l’appropriation(du corps, du temps, de l’espace, du travail, etc.) ; une focalisation sur le dominant et une sous-estimation des résistances des dominés; un postulat d’une responsabilité partagée dans la reproduction de la domination ; une sous-estimation du caractère contradictoire et évolutif de l’expérience et de la conscience du dominé ; une confusion entre absence de révolte ouverte des dominés et consentement à la domination, etc. Cette déconstruction nous semble pouvoir servir de repère vigilant pour l’analyse d’autres dominations (de classe, de race, etc.).

Nous retrouvons dans les critiques de Nicole-Claude Mathieu[18] à Pierre Bourdieu la même méfiance critique, selon nous justifiée et légitime, qu’elle avait soulevée dans sa critique de la thèse de Maurice Godelier sur le consentement des dominés à leur domination[19]. Si effectivement, selon nous, la domination agit sur les subjectivités et les consciences, elle a d’abord et avant tout une dimension matérielle et une fonction sociale d’appropriation. L’exercice de la contrainte sous ses formes multiples est ainsi le ressort essentiel de la domination.

Diversité et mutations des formes de la contrainte

La contrainte qui s’exerce sur le dominé peut prendre de multiples formes. La contrainte physique directe n’est qu’une forme parmi de nombreuses autres concourant au même résultat de maintien des rapports sociaux de domination. Deux facteurs au moins concourent aux mutations des formes de la contrainte : le type de relation de dépendance dominant d’une part, et la lutte des dominés, d’autre part.

Le premier a été mis en évidence par Karl Marx. Pour celui-ci, l’exercice de la contrainte passe historiquement d’une relation de type personnelle (entre un maître et un esclave, entre un serf et un seigneur) à des relations de type impersonnelles, c’est-à-dire à des contraintes systémiques. C’est même pour lui ce qui fait la nouveauté de la domination sous le capitalisme : « Transportons-nous, maintenant de l’île lumineuse de Robinson dans le sombre moyen âge européen. Au lieu de l’homme indépendant, nous trouvons ici tout le monde dépendant, serfs et seigneurs, vassaux et suzerains, laïcs et clercs. Cette dépendance personnelle, caractérise aussi bien les rapports sociaux de la production matérielle que toutes les autres sphères, de la vie auxquelles elle sert de fondement. Et c’est précisément parce que la société est basée sur la dépendance personnelle que tous les rapports sociaux apparaissent comme des rapports entre les personnes. Les travaux divers et leurs produits n’ont en conséquence pas besoin de prendre une figure fantastique distincte de leur réalité. Ils se présentent comme services, prestations et livraisons en nature […]. De quelque manière donc qu’on juge les masques que portent les hommes dans cette société, les rapports sociaux des personnes dans leurs travaux respectifs s’affirment nettement comme leurs propres rapports personnels, au lieu de se déguiser en rapports sociaux des choses, des produits du travail[20]. »

Soulignons que le fait que la contrainte directe liée à la dépendance personnelle cesse d’être majoritaire dans une formation sociale ne signifie pas pour autant qu’elle disparaisse. Elle se maintient dans certaines sphères de la vie sociale (la famille par exemple ou la petite entreprise paternaliste). Elle peut également tendre à se redévelopper dans certains secteurs du marché du travail, comme dans le travail à domicile par exemple. Les différentes formes de domination (de classe, de race, de sexe) sont marquées par les échanges, les passages, les transformations et les mutations qui s’expriment entre les unes et les autres.

Nous appelons « asservissement » les rapports sociaux de domination basés sur la dépendance personnelle et sur les contraintes directes qui vont avec. Le terme d’« asservissement » décrit en effet l’action consistant à réduire un sujet individuel ou collectif à un état de servilité (c’est-à-dire en le transformant en sujet d’une autre personne). Il suppose l’exercice d’une contrainte directe qui s’impose au groupe asservi. Tout en se maintenant dans certaines sphères de la vie sociale et en se développant dans certains segments du marché du travail, cette forme de la domination tend à être remplacée par d’autres.

Un autre facteur agit en complément et en lien avec le précédent pour faire muter les formes de la domination, pour en faire reculer certaines et en promouvoir de nouvelles : le combat des dominés qui contraint sans cesse les rapports sociaux de domination à se perfectionner, à muter pour mieux se maintenir. Une des voies de ce perfectionnement est la recherche d’une domination sans asservissement. Danilo Martuccelli souligne ainsi que le processus souligné par Karl Marx ne fait que s’approfondir, c’est-à-dire que la contrainte prend des formes de plus en plus « impersonnelles », de plus en plus « fonctionnelles » : « Les acteurs continuent quotidiennement à “consentir”, à “fonctionner”, à respecter la plupart des “autorités” en place. Cependant, les dominations ne se vivent plus que très rarement avec l’évidence prêtée jadis aux formes durablement légitimes. Bien entendu, nous sommes très loin de vivre dans un monde d’égalité, mais la perception critique des relations de subordination s’est indéniablement accrue. Elles doivent alors être renforcées constamment, se rendant par là même de plus en plus visibles, et de moins en moins “naturelles”. Le travail de sape critique ayant progressivement pénétré le sens commun, du coup, intellectuellement, plus aucune domination ne va de soi, si elle ne se “justifie” pas par de strictes considérations fonctionnelles[21]. » Autrement dit, pour cet auteur, les formes contemporaines de la domination ne cherchent plus à se masquer mais se présentent comme découlant de contraintes fonctionnelles, techniques et impersonnelles : « La domination s’exerce désormais moins par le biais du consentement que par des contraintes de plus en plus éprouvées et présentées comme des contraintes […]. La domination ne trouve plus son noyau principal dans la culture, mais dans un ensemble de contraintes vécues comme indépassables par l’acteur[22]. » La domination ne se cache plus.

L’auteur donne l’exemple de la « responsabilisation » comme nouvelle figure de la domination. Responsabilité individuelle, autocontrôles, « management par objectifs », mises en concurrence des salariés d’une même équipe, « méthodologie de projet », etc., sont autant de caractéristiques de la contrainte de la responsabilisation comme nouvelle forme de domination. Dans celle-ci, le dominé devient acteur de sa propre domination : « Attendre du travailleur qu’il se responsabilise, c’est-à-dire qu’il comprenne qu’il n’appartient qu’à lui de trouver les moyens de s’adapter aux contraintes issues de la production signifie transformer un problème issu du collectif de travail en une simple question de capacités et de volonté individuelles. En d’autres mots, dans le contexte du travail, l’injonction qui découle des modalités contemporaines de la domination opère comme si les motivations de l’entreprise et celles du travailleur étaient nécessairement concordantes et qu’il suffisait donc, pour qu’elles se rejoignent, que le travailleur y “mette du sien”[23]. »

Loin de se limiter à l’entreprise, la domination par responsabilisation tend à se déployer dans toutes les sphères de la vie sociale : discours sur la santé et la maladie, discours sur la pauvreté, l’assistanat et les prestations sociales, etc.

La notion d’exploitation a été, selon nous, clarifiée de manière satisfaisante par Karl Marx comme étant la part du travail du dominé non payée par le dominant. Une approche dogmatique courante tend d’une part à limiter l’exploitation dans l’entreprise et, d’autre part, à une période historique précise (celle du mode de production capitaliste). Il y a, selon nous, exploitation à chaque fois qu’une part du travail d’un acteur social est non payée et appropriée par un autre acteur social de manière privative. Ce type de domination a existé avant le capitalisme et peut exister en dehors de l’entreprise (dans la famille dans le cadre du mode de production domestique[24], par exemple).

L’oppression, pour sa part, désigne les rapports sociaux inégaux dans lesquels un dominant prive un dominé de droits et d’opportunités qu’il se réserve pour lui-même : « A opprime B quand il prive de droits et d’opportunités auxquels il peut prétendre. Si A tire un bénéfice de son oppression de B, alors il l’opprime et l’exploite à la fois[25]. » Simone Weil pour sa part situe l’oppression dans la relation de pouvoir : « Tant qu’il y aura une société, elle enfermera la vie des individus dans des limites fort étroites et leur imposera ses règles ; mais cette contrainte inévitable ne mérite d’être nommée oppression que dans la mesure où, du fait qu’elle provoque une séparation entre ceux qui l’exercent et ceux qui la subissent, elle met les seconds à la discrétion des premiers et fait ainsi peser jusqu’à l’écrasement physique et moral la pression de ceux qui commandent sur ceux qui exécutent[26]. » Oppression et exploitation expriment des rapports de domination puisqu’il s’agit pour le dominant de s’approprier un élément au détriment de l’autre, des droits, des opportunités, le pouvoir de décider pour le premier et du travail pour l’autre. Autrement dit, l’oppression interrogerait la dimension hiérarchique d’un rapport social alors que l’exploitation interroge la dimension économique. L’une relèverait du politique et l’autre de l’économique. L’une renvoie à l’appropriation indue du pouvoir de décision, l’autre à l’appropriation indue du travail.

L’oppression comme rapport social infériorise un des acteurs qui est situé comme non porteur de droits (de légitimité, de pouvoir, de capacités, etc.) ou comme porteur de droits inférieurs (de légitimité, de pouvoir, de capacités, etc.). On comprend dès lors l’articulation fréquente entre les deux notions, c’est-à-dire l’articulation des deux rapports de domination. Théoriquement, il peut donc y avoir oppression sans exploitation et exploitation sans oppression. Cependant, dans les pratiques concrètes, l’exploitation suppose fréquemment une oppression qui la garantit.

Cette dernière est ainsi généralement au service de l’exploitation. Plus largement, les conditions de l’oppression déterminent l’ampleur de l’exploitation et sont largement créatrices des situations de surexploitation. C’est la raison pour laquelle l’économiste malgache Augendra Bhukuth, analysant la question du travail des enfants, propose la distinction suivante : « Au-delà de la notion d’exploitation, il convient également d’appréhender l’idée d’oppression. C’est cette distinction que nous proposons d’étudier : l’exploitation revêt une signification économique correspondant à l’expropriation du surtravail, tandis que l’oppression ajoute la maltraitance et les mauvaises conditions de travail à l’exploitation économique […]. Nous qualifions l’exploitation économique d’“exploitation faible” et l’oppression d’“exploitation forte”[27]. »

Le constat d’une interaction systémique de l’oppression et de l’exploitation dans le capitalisme contemporain ne permet pas pour cela de conclure au caractère obsolète de la distinction entre ces deux formes de la domination. D’abord, parce que sans cette distinction les situations de surexploitation deviennent inexplicables. Or, celles-ci sont une des caractéristiques importantes des sociétés contemporaines où s’organise une segmentation sexiste et raciste du marché du travail par le développement de discriminations systémiques. Ensuite, parce que le combat contre l’exploitation n’est pas automatiquement un combat contre l’oppression. Il ne l’est qu’à condition d’intégrer une vision non essentialiste des classes sociales, c’est-à-dire de ne pas les considérer comme catégories homogènes et figées. C’est pourquoi l’auto-organisation de chacune des catégories touchées par une oppression spécifique reste la seule garantie d’une prise en compte de ses intérêts réels.

La conscience des dominés

Toutes les dominations ont ceci de commun qu’elles ne peuvent fonctionner qu’en tendant à produire une conscience dominée produite par un accès inégal systémiquement organisé à la connaissance. Le dominé et le dominant ne sont pas égaux devant la connaissance de la relation de domination : « [Le dominant] connaît le mode d’emploi, les mécanismes économiques et les justifications idéologiques, les contraintes matérielles et psychiques à utiliser et utilisées. Certes la conscience dominante peut être aussi mystifiée (les bourgeois n’avaient pas fait l’analyse de la plus-value), mais le dominant connaît les moyens de l’exploitation et de la domination. Mais si le dominant connaît la domination, il ne connaît pas le vécu de l’oppression, c’est-à-dire l’autre versant. […]. Un inconvénient majeur est que si vivre en dominant n’est pas connaître l’oppression, vivre en opprimé·e est peut être encore moins connaître (avoir la pleine connaissance de) la domination et l’oppression[28]. »

Si le dominant ne connaît pas le vécu de l’oppression, il n’a aucun intérêt matériel à le connaître. On peut même dire qu’il a un intérêt à le méconnaître[29]. Si la cécité du dominant est le fait d’une méconnaissance, celle-ci est ancrée matériellement : « La pensée de groupes dominants dépend tellement des intérêts en cause dans une situation qu’ils finissent par perdre la capacité de percevoir certains faits préjudiciables à leur conscience de dominants[30]. » L’inverse n’est pas vrai. Le dominé a un intérêt objectif à connaître la situation de domination. Bien sûr, il n’y a aucune conscience spontanée et globale de la domination chez le dominé, du fait de la situation de domination elle-même qui produit « plusieurs types de conscience et de production de connaissance, fragmentés et contradictoires, dus justement aux mécanismes mêmes de l’oppression[31] ». En revanche, le fait que « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence [mais que] c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience[32] » est un facteur de la progression de la conscience des dominés. C’est ainsi généralement dans l’action et dans l’action collective que s’effectue le passage progressif d’une conscience dominée à une conscience du dominé sur sa domination.

Les lignes qu’écrivait Frantz Fanon sur les vertus épistémologiques et désaliénantes de la révolte et de l’action restent aujourd’hui tout autant d’actualité : « La violence qui a présidé à l’arrangement du monde colonial, qui a rythmé inlassablement la destruction des formes sociales indigènes, démoli sans restrictions les systèmes de références de l’économie, les modes d’apparence, d’habillement, sera revendiquée et assumée par le colonisé au moment où, décidant d’être l’histoire en actes, la masse colonisée s’engouffrera dans les villes interdites. Faire sauter le monde colonial est désormais une image d’action très claire, très compréhensible et pouvant être reprise par chacun des individus constituant le peuple colonisé[33]. »

Que cette lutte contre la domination soit complexe et parsemée de contradictions est également une des dimensions soulignée par Frantz Fanon. Le dominé doit en effet se libérer en étant marqué par le dominant : « Encore une fois, l’objectif du colonisé qui se bat est de provoquer la fin de la domination. Mais il doit également veiller à la liquidation de toutes les non-vérités fichées dans son corps par l’oppresseur[34]. »

Collectif Manouchian : Saïd Bouamama, Jessy Cormont et Yvon Fotia.

[1] Garibay, F. Séguier, M., Pratiques émancipatrices : actualités de Paolo Freire, Paris, Syllepse, 2009, p. 63.
[2] Fanon, F., Les damnés de la terre, Paris, Gallimard, 1991, p. 83.
[3] C’est ce qu’ont progressivement mis en lumière, à partir d’une approche marxiste initiée par Richard Hoggart (La culture du pauvre, Paris, Minuit, 1970 [1957]) et différents auteurs dans cette lignée ; en particulier Michel De Certeau, L’invention du quotidien, 1, Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990 (1980), et James C. Scott, La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Amsterdam, 2008 (1992).
[4] C’est toute la raison de la vacuité des discours qui émergent à chaque moment de résistance des dominés du « je partage leur colère, mais pas les formes qu’elles prennent » ; discours qu’on a, par exemple, largement entendu au moment des révoltes des quartiers populaires en 2005.
[5] La Boétie, É. (de), Discours sur la soumission volontaire ou le Contr’un, Paris, Payot, 2002, p. 48.
[6] Marx, K., Engels, F., L’idéologie allemande, Paris, Éditions sociales, 1976 (1846), p. 44.
[7] Philomena Essed indique que c’est le sociologue africain-américain William E. B. Du Bois qui le met en évidence pour la première fois d’un point de vue sociologique dans le cas des Africains-Américains (Du Bois, W. E. B., The Souls of Black Folk, New York, New American Library, 1969 [1903]), cité dans Essed, P., Understanding Everyday Racism. An Interdisciplinary Theory, Newbury Park, Sage, 1991, p. 1.
[8] Gramsci, A., « La philosophie de la praxis face à la réduction mécaniste du matérialisme historique », in Textes, Cahier 11, Paris, Éditions sociales, 1983, p. 146.
[9] Mathieu, N.-C., « Quand céder n’est pas consentir. Des déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes, et de quelques-unes de leurs interprétations en ethnologie », in L’anatomie politique, catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes, 1991.
[10] Mathieu, N.-C., « Banalité du mal et “consentement” : des non-droits humains des femmes », in M.-C. Caloz-Tschopp (coord.), Hannah Arendt, la « banalité du mal » comme mal politique, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 164.
[11] Mathieu, N.-C., L’anatomie politique : catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes, 1991, p. 208-209.
[12] Foucault, M., « Le sujet et le pouvoir » (1982), in Dits et écrits, t. 4, Paris, Gallimard, 1994, p. 228.
[13] Foucault, M., « Deux essais sur le sujet et le pouvoir (Entretiens) », in H. Dreyfus; P. Rabinow, Michel Foucault, un parcours philosophique, Paris, Gallimard, 1984, p. 308.
[14] Saïd, E. W., « Foucault et l’image du pouvoir », in J. Colson, D. Couzens Hoy (dir.), Michel Foucault, lectures critiques, Bruxelles, De Boeck, 1989, p. 172.
[15] Bourdieu, P., Esquisse d’une théorie de la pratique, Paris, Droz, 1972, p. 18.
[16] Bourdieu, P., La domination masculine, Paris, Le Seuil, 1998, p. 69.
[17] Mathieu, N.-C., « Bourdieu ou le pouvoir auto-hypnotique de la domination masculine », Les Temps modernes, n° 604, mai-juin-juillet 1999.
[18] Mathieu, N.-C., « Quand céder n’est pas consentir », in L’anatomie politique. Catégorisation et idéologie du sexe, Paris, Côté-femmes, 1991.
[19] Godelier, M., La production des grands hommes : pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Paris, Fayard, 1982.
[20] Marx, K., Le Capital, in Œuvres, t. 1, Économie, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1963 (1867), p. 611-612.
[21] Martuccelli, D., « Figures de la domination », Revue française de sociologie, vol. 45, 2004/3, p. 472-473.
[22] Martuccelli, D., op. cit., p. 476-477.
[23] Kirouac, L.; Namian, D., « De l’injonction à la dévolution : les effets dommageables de la responsabilisation, l’exemple de la dépression », in G. Bellemare, R. Malenfant (dir.), La domination au travail : des conceptions totalisantes à la diversification des formes de domination, Québec, Presses universitaires du Québec, 2010, p. 43.
[24] Delphy, C., L’ennemi principal, t. 1, Économie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, 1998.
[25] Bourgeois-Gironde, S., in S. Bourgois-Gironde; D. Dimier, Comment l’argent vient à l’esprit, Paris, Vrin, 2009, p. 96.
[26] Weil, S., Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, Paris, Gallimard, 1967, p. 79.
[27] Bhukuth, A., « Exploitation “faible” et “forte” d’enfants au sein d’entreprises familiales pauvres », Contre le travail des enfants ?, in Alternatives Sud, Paris/Louvain, Syllepse/Cetri, vol. 16, 2009, p. 104.
[28] Mathieu, N.-C., L’anatomie politique : catégorisations et idéologies du sexe, op. cit., p. 147.
[29] Thiers-Vidal, L., De « l’ennemi principal » aux principaux ennemis. Position vécue, subjectivité et conscience masculines de domination, Paris, L’Harmattan, 2010.
[30] Mannheim, K., Idéologie et utopie, Paris, MSH, 2006, p. 32.
[31] 31. Mathieu, N.-C., op. cit., p. 140-141.
[32] Marx, K., Contribution à la critique de l’économie politique, in Œuvres, t. 1, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1963, p. 272-273.
[33] Fanon, F., Les damnés de la terre, Paris, Maspero, 1976, p. 9.
[34] Idem, p. 228.

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