Racisme : de l'éternel retour...

Un caniche libéral et xénophobe décorant un autre caniche libéral et xénophobe...
S’il est une idée en vogue, c’est bien de penser que les anciennes vagues d’immigration (italiennes, polonaises, espagnoles, belges …) se sont parfaitement intégrées au contraire des vagues, plus récentes, maghrébines et africaines.

Les anciennes vagues d’immigrés étaient travailleuses, ne posaient aucun problème et les français les ont d’ailleurs parfaitement acceptées, entend-on souvent. Constatons donc que les propos actuels sur les immigrés les plus récents ne sont qu'une répétition d’idées reçues anciennes et qui se sont exercées à l’encontre de toutes les communautés migrantes (qu'elles viennent de province ou de pays étrangers).

Petit historique des vagues d’immigrations :

- Première moitié du 19eme : anglais, allemands, autrichiens
- Avec la révolution industrielle : belges. Au début de la 3ème République, les belges représentent la majorité absolue de la population à Roubaix. En 1886, ils représentent 40% de la population immigrée.
- A partir de 1850 : italiens. En 1911, ils deviennent le premier groupe d’immigrants en France.
- A partir de 1880 : juifs de l’Europe de l’est fuyant les pogroms.
- début 20eme : la baisse de la natalité entraine la venue d’immigrés essentiellement belge, suisse et italienne.
- entre-deux guerres : polonais et tchécoslovaques, réfugiés politiques (russes, arméniens, allemands, italiens, espagnols), maghrébins.
- 1960 : portugais, maghrébins, africains.

1. « Et pourquoi vos parents ne vous ont pas donné un prénom français ? » (Eric Zemmour)


Un décret de 1888 insiste sur la francisation des noms étrangers. En 1927, un article du Figaro combat cette francisation au prétexte qu’un « nombre infini de métèques se cachent sous des noms français ». D’autres soulignent en revanche qu’autant de noms étrangers nuisent au prestige de la France à l’étranger : en 1945, un auteur de la revue Population s’inquiète déjà du nombre de joueurs au patronyme étranger dans l’équipe de France de football.

Erving Goffman souligne combien le changement de nom introduit une rupture entre l’individu et son pays d’origine ; c’est une souffrance comme en témoignent Henri Troyat, Henri Verneuil et Madeleine Robinson (propos rapportés par Gérard Noiriel dans Le creuset français).

Dans l’article « D’abord nettoyer l’arrière », publié dans « Je suis partout », Pierre Gaxotte s’en prend aux « messieurs en ski, en vitch, en o, en of, et en ez ».

Les critiques fusent de la même façon aujourd’hui à une époque où la francisation n’est plus de mise ; l’on s’affole du nombre de Mohamed et Mamadou et d’autres s’inquiètent encore du nombre de français « de souche » dans l’équipe de France.

2. « Et quand on pense au bruit et l’odeur » (Jacques Chirac)

Dans L’étoile de l’est, le 24 juillet 1905 « Toute cette cuisine diabolique passe encore sous le ciel bleu de l’Italie , et fait d’ailleurs partie de « la couleur locale » des quartiers pauvres de Rome ou de Naples. Mais il en est tout autrement en Lorraine où la saleté chronique et la façon de vivre déplorable des italiens font courir des sérieux dangers de contamination à la population indigène »  .

L. Naudeau, en 1931, déclarait : « Là le blanc, et plus particulièrement l’espagnol misérable rétrograde jusqu’au sauvage ; la bicoque devient la hutte, la hutte tombe dans l’immondice, l’immondice prend vie, se manifeste en pullulations pédiculaires »  .

Jacques Bertillon, en 1911, dans « La dépopulation de la France : ses conséquences, ses causes, mesures à prendre pour la combattre » s’inquiète déjà qu’« il n’y avait qu’à monter dans le haut de la ville, où ils ont constitué une véritable ville italienne avec quantité de nippes multicolores flottant au vent et d’innombrables enfants courant partout. »

Toutes les populations d’immigrés – mais aussi les populations pauvres de manière générale – sont vues au cours des siècles comme sales, non intégrées, se vautrant dans la luxure et des coutumes exotiques. Ce qu’on entend à l’heure actuelle sur les quartiers « islamisés », « envahis » de femmes en burqa avec 10 enfants n’est que la répétition, comme vous le constatez, de propos tenus sur toutes les vagues d’immigration précédentes. L’italien lui aussi fait une cuisine infâme, trop d’enfants et se vêt d’oripeaux. Le polonais se ridiculise avec son catholicisme particulier et à se tenir debout pendant la messe alors que le bon français est assis. Le juif d’Europe de l’est est moqué de ses coreligionnaires français qui le voient empreint de fanatisme.

3. « Les envahisseurs sont là » (David Vincent)

Le même Jacques Bertillon nous dit « Le français dans ce quartier de la Cette n’est qu’une langue étrangère » et « les étrangers en France pourront devenir non plus seulement un embarras mais un danger ; car avec le temps il acquièrent des droits civils dont ils voudront peut être abuser un jour. »

L. Naudeau, dans « La France se regarde », ajoute : « Aujourd’hui que des hordes compactes d’étrangers s’établisse sur notre territoire et qu’en certains districts, les éléments jeunes de ces aubains dépassent en nombre les éléments jeunes d’autochtones, le problème prend un tout autre caractère et nous exposerait à voir se constituer chez nous des minorités ethniques ».

Le docteur Eugilvic, en 1887 dans « A bas la Naturalisation, ou la Naturalisation en face du patriotisme » déclare « Ceux qui oseraient me soutenir que les allemands, parce qu’ils ont du sang aussi rouge qu’est le nôtre, peuvent devenir français, je leur répondrai ; que les crapauds ont également le sang rouge : est ce une raison suffisante pour se flatter d’être leur frère ? (…) Parlons maintenant de la naturalisation en masse. Exemple : l’assemblée nationale décrète que tous les juifs sont citoyens français. C’est là, une des plus profondes erreurs qu’elle ait commises. Comment, voici des gens, qui ne sont même pas d’origine européenne, qui n’ont de parenté qu’avec les arabes et les syriens, et vous en faites des français ! »

Là encore, on retrouve l’idée que l’étranger finira forcément par trop en réclamer, modifier nos coutumes alors qu’il est, par essence, différent.

4.  «   Il n’y a qu’à regarder les faits divers : 90 % des faits divers ont à leur origine soit un immigré, soit une personne d’origine immigrée. C’est un fait dont il faut tenir compte. » (Jean-Marie Le Pen, août 2009)

Henri Joly, dans « La France criminelle », écrit, en 1889, « En France, il résulte de la statistique et des casiers judiciaires, que, parmi les étrangers immigrés, la criminalité est quatre fois plus forte que chez nos nationaux ». (…) A nombre égal de résidents, les colonies belge et suisse ont environ trois fois plus d’arrestations que la colonie anglaise, que la colonie austro-hongroise et que la colonie américaine. (…) les étrangers qui commettent le plus de crimes sur notre sol sont les espagnols. »

Avant 1914, L’est républicain tient une rubrique sur « les crimes du bassin de Briey » où les italiens tiennent la vedette.

En 1924, le sociologue Gabriel Tarde dans « La criminalité comparée » explique que les peuples du sud, vivant sous un climat chaud ont plus tendance à commettre des homicides. En étudiant le nombre d’homicides entre l’Italie et l’Angleterre, il montre ainsi qu’en Italie, pays « plus barbare », moins « civilisé » et plus chaud, il y a beaucoup plus d’homicides.

A la fin du 19e siècle, Cesare Lombroso différencie lui aussi l’italien du nord, face à celui du sud, à l’atavisme suspect.

Il serait fastidieux de relever les milliers de citations parlant des crimes et délits commis par toutes les populations d’immigrés. Aucune n'y a échappé, et toute, tour à tour ont été accusées d’être plus criminogènes que les françaises où celles les ayant précédés dans l’immigration.

5. « En stoppant l’immigration, le Front National fera donc cesser la pression à la baisse sur les salaires. » (Programme du Front National)

Maurice Barrès, « Étude pour la protection des ouvriers français : contre les étrangers » en 1893 « Pour accepter que des armées d’étrangers envahissent notre territoire, oppriment nos nationaux, possèdent la fortune et le pouvoir, enlèvent plus d’un milliard de salaires par an, nous suffit il que ces conquérants ne portent point d’uniformes ? » (le même Barrès vanté par Sarkozy dans son discours à Metz du 17 avril 2007)

Les agressions envers les travailleurs immigrés ont été monnaie courante au cours du 19e et du 20e siècle. Avant la fin du 19e, on en retrouve peu traces dans la presse et ce sont vers les archives policières qu’il faut se tourner souligne Gérard Noiriel.

Le géographe Firmin Lentacker qui a travaillé sur l’immigration belge dans le nord nous dit « D’avril à juin 1948, les manifestations hostiles aux ouvriers belges devinrent quotidiennes dans le Nord ; il s’agissait tantôt d’agressions contre des groupes regagnant la Belgique, tantôt d’expéditions en bandes pour se saisir des  «  flamands » répartis entre Tourcoing et Halluin et les reconduire à la frontière, et toujours de coalitions obtenant l’expulsion de travailleurs belges, comme le 18 mai sur le chantier de chemin de fer à Armentières ou le 20 mai à Lille.»

En 1892, à Drocourt (Pas de calais), où les belges représentent 75% de la main d’œuvre dans les mines, les ouvriers français se mobilisent pour les expulser, détruisent leur maison et leur mobilier. Des rixes mortelles ont lieu en 1901 à Liévin et Lens.

Ce racisme anti-belge disparaît peu à peu pour mieux s’en prendre à une nouvelle catégorie d’immigrés ; les italiens. Michelle Perrot déclare aux sujet des manifestations anti-italiens « on est frappé du pouvoir mobilisateur de ces manifestations ; elles se transforment aisément en mouvements populaires de plusieurs milliers de personnes  »   .

A Marseille en 1881, on assiste à des émeutes où des italiens sont insultés et frappés (3 morts et 21 blessés).

En 1894 après l’assassinat de Sadi Carnot par un italien, l’on voit les mêmes scènes à Lyon.

En 1893, à Aigues-Mortes, 300 ouvriers français des salines attaquent les ouvriers italiens. Le procureur de la république en dira  « Des pierres énormes sont lancés de tous cotés ; à chaque pas on est forcé de laisser sur le sol des victimes sans défense que des forcenés viendront avec une sauvagerie sans nom achever à coups de bâton  ». Selon la police française, il y aurait eu 8 morts et 50 blessés. Le Times comptera 50 morts et 150 blessés. Le maire de la ville dut démissionner suite aux protestations internationales ; les coupables furent, pour autant, acquittés.

En 1891, à Toulouse, 400 manifestants vont au quartier Saint Cyprien piller et brûler les maisons des tziganes. Deux brigades de gendarmerie furent nécessaires pour empêcher un massacre.

Vous avez ici une partie des archives collectées par Laurent Dornel qui a travaillé sur la xénophobie envers les immigrants.

Comme aujourd’hui, le travailleur immigré est tantôt vu comme paresseux, d’autres fois comme volant le pain des français, à la solde du patronat ou de l’internationale socialiste.

Mon article est, bien évidemment incomplet. Il aurait fallu montrer que les mêmes idées reçues s’appliquaient aux migrants d’une région française à l’autre (comme les auvergnats par exemple), elles s’appliquaient également, souvent, aux ouvriers. Beaucoup de textes de l’administration coloniale, des médecins ont aussi étudié les africains et maghrébins, car, en plus de préjugés xénophobes se sont associés des préjugés racistes. Les uns ne sont pas si différents des autres et l’on n’hésite pas à parler de « race belge » « race italienne » forcément inférieures à la « race française ».

Pour combattre les craintes face aux immigrés maghrébins et africains, on gagnerait à lire les textes du 19e et du début du 20e siècle pour comprendre comment se fondent ces peurs et comment l’on ne fait que répéter les mêmes idées ayant cours dans les siècles précédents*.

Crêpe Georgette

* En complément nécessaire à ce texte : ceci

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