De l'usage dévoyé du féminisme et de ses bénéficiaires

"Maintenant, et grâce à quelques études arrachées de haute lutte aux institutions de recherche, il existe des chiffres qui disent le nombre de femmes battues, violées, tuées. Pour se défausser de cela, la société blanche - et masculine il va sans dire - a mis l’accent depuis une décennie sur la violence des descendants de l’immigration nord-africaine et subsaharienne. Ils ont aussi créé de toutes pièces un groupe, Ni putes ni soumises, qui est doté de 500 000 euros par an (10 fois plus que la revue Nouvelles Questions féministes n’a obtenu en 30 ans d’existence, 10 à fois plus que SOS Viols femmes information, l’AVFT 4., etc.), et lui ont confié pour mission de se spécialiser sur la violence des « quartiers », une violence qui serait spécifique : due à l’héritage culturel de ses habitants. On a ainsi fait d’une pierre deux coups. "

‎"D’une part, en disant que la violence contre les femmes existe, oui, mais seulement chez les hommes de culture maghrébine et africaine, on a exonéré la culture française - et plus largement, la culture « blanche » ; à la même époque on a vu apparaître ou réapparaître le mot colonialiste « Français de souche ». D’autre part, on s’est enfin trouvé des raisons honorables de discriminer ces descendants d’immigrés : c’est désormais pour défendre les droits de la femme. A la même époque en effet on a vu réapparaître le mot essentialiste « LA femme ».

Les Blancs ne veulent ni abandonner les discriminations, ni se dire ouvertement racistes : défendre LA femme, quelle belle occasion d’être à la fois raciste et respectable, comme le dit Saïd Bouamama (Bouamama Saïd, L’affaire du voile, ou la production d’un racisme respectable, publié aux Éditions du Geais Bleu ).

Pourquoi les femmes ont-elles marché dans cette combine ? D’abord, toutes les femmes n’ont pas marché : les filles et les sœurs de ces hommes choisis pour servir de boucs émissaires n’ont, sauf quelques exceptions, pas marché. Toutes les femmes blanches n’ont pas marché non plus. Beaucoup cependant se sont ralliées à l’idée que le sexisme ne subsiste que dans des enclaves raciales à l’intérieur d’une France globalement égalitaire et non-sexiste. A la fois par racisme, car bien sûr les femmes peuvent être racistes, comme les racisés peuvent être sexistes ; mais aussi pour se rassurer sur les hommes de leur race, ceux qu’elles côtoient. Car au point où nous en sommes de l’histoire et du détricotage, maille par maille, du féminisme, les femmes aussi, y compris les anciennes féministes, veulent que « leurs » hommes soient exonérés ; car elles n’exigent plus rien d’eux, sauf une adhésion aux idées égalitaires (les idées ne mangent pas de pain), et de pieux mensonges."

Christine Delphy

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