L'Allemagne est en pleine introspection ces jours-ci après le meurtre dans un tribunal d'une Egyptienne enceinte par un Allemand ouvertement xénophobe, qui serait le premier crime islamophobe de l'histoire récente du pays.
Les faits remontent à plus d'une semaine : mercredi, vers 10H20, Marwa El-Sherbini, 31 ans, enceinte de trois mois, vient de témoigner devant le tribunal de Dresde (est), quand l'accusé, identifié comme Alex W., 28 ans, se jette sur elle et lui assène très vite "18 coups de couteau", selon le parquet.
Deux policiers interviennent, mais l'un d'eux se trompe d'agresseur et tire sur le mari de la victime, déjà atteint par le poignard de l'accusé.
Elle meurt peu après, lui est toujours hospitalisé. Leur fils de trois ans a assisté à la scène.
Depuis, Alex W., un Allemand d'origine russe, a été inculpé de meurtre et incarcéré.
Pendant près d'une semaine, la plupart des médias sont restés silencieux. "Pourquoi la mort d'une femme voilée, qui n'a pas été la victime d'un crime d'honneur, est-elle restée toute une semaine une brève", s'interrogeait jeudi le quotidien de centre-gauche berlinois Der Tagesspiegel. "Est-il possible que cette mort ne cadre pas avec notre façon de penser ?"
Discrétion aussi du côté des politiques : un porte-parole de la chancelière Angela Merkel a attendu mercredi pour indiquer, en réponse à une question au cours d'un point de presse du gouvernement, qu'il s'agissait d'"un acte horrible, qui nous a tous touchés". Il a expliqué avoir manqué de détails pour réagir plus tôt.
Il n'empêche, pour une partie de la communauté musulmane et plus encore en Egypte, la mort de Marwa El-Sherbini est devenue le symbole de l'islamophobie en Europe.
En août 2008, Alex W., manutentionnaire au chômage arrivé en Allemagne en 2003, et cette pharmacienne de formation expatriée avec son mari, chercheur en génétique au prestigieux Institut Max-Planck, sont sur le même terrain de jeux. Elle lui demande de libérer la place sur la balançoire pour son fils. Il répond par des insultes à cette femme voilée : "islamiste", "terroriste", "salope".
La jeune Egyptienne porte plainte, Alex W. est condamné à une amende. Mais le parquet fait appel, car il a déclaré en audience que "ces gens-là" n'étaient pas de "vrais êtres humains".
Le meurtrier est un "xénophobe fanatique", a assuré à l'AFP le porte-parole du parquet de Dresde Christian Avenarius. mais le procureur ignore encore s'il a agi par "islamophobie".
Il n'est pas non plus prouvé pour l'heure que le meurtrier, sans antécédents judiciaires en Allemagne, était sympathisant d'un parti d'extrême droite comme l'ont affirmé certains médias.
Mais pour les quatre organisations représentant la communauté musulmane en Allemagne, il s'agit bien d'un "crime du foulard". Elles ont appelé à "prier pour Marwa" au cours de la prière de ce vendredi. Des manifestations sont aussi prévues ce week-end.
Le secrétaire général du Conseil central des juifs en Allemagne, Stephan Kramer, qui s'est rendu au chevet du mari de Marwa El-Sherbini avec son homologue du Conseil musulman, a lui aussi mis en garde contre "l'islamophobie" et dénoncé le peu de réactions politiques et médiatiques.
"J'ai voulu exprimer ma solidarité parce que j'ai été très surpris que les réactions politiques et médiatiques soient si limitées", a-t-il expliqué à l'AFP. "Tous ceux qui ont affirmé que l'islamophobie était un faux débat ces dernières années ont été désavoués".
Ces dernières années, la construction de mosquées notamment a déclenché de vives polémiques, alimentées par des réseaux proches de l'extrême droite, comme à Cologne (ouest) où a récemment été organisé un congrès "contre l'islamisation".
Pour en finir avec les dénégations autour de l'islamophobie
Voir aussi Meurtre xénophobe en Allemagne
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire