Le bombardement par Israël des installations nucléaires iraniennes n'est pas à l'ordre du jour. En tout cas, certainement pas avec un feu vert américain. La première rencontre officielle, lundi 18 mai à Washington, entre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le président américain, Barack Obama, aura permis d'établir avec certitude que les deux alliés, s'ils restent proches, ne sont plus tout à fait sur la même longueur d'onde. Ni à l'endroit des Palestiniens, que la droite israélienne au pouvoir entend maintenir aussi longtemps que possible sans Etat ni indépendance ; ni à l'égard de l'Iran, avec lequel Israël pourrait vouloir en découdre tandis qu'Obama veut le dialogue - au moins jusqu'en janvier...
Il y a au moins deux ans que, de diverses sources américaines et israéliennes, on sait que certains, à Jérusalem et Washington, plaident ouvertement pour "la destruction militaire préventive" des installations nucléaires que Téhéran présente comme "pacifiques". En septembre 2008, dans les derniers mois de l'administration Bush, le premier ministre Ehud Olmert avait demandé à Washington la livraison de nouvelles bombes sophistiquées et d'avions ravitailleurs destinés à réapprovisionner en fuel ses bombardiers en vol. Au grand soulagement de beaucoup, George W. Bush, concentré sur "sa" guerre en Irak et refusant à son allié "l'ouverture d'un nouveau front", avait rejeté la demande.
Largement plus ouvert que son prédécesseur au dialogue avec Téhéran, Barack Obama, par ailleurs engagé dans la guerre d'Afghanistan, paraît encore moins disposé à se lancer dans un nouveau conflit. La nouvelle administration est tout aussi décidée que l'ancienne à empêcher l'armement nucléaire de l'Iran, mais elle veut donner sa chance à la diplomatie. "L'important, a dit M. Nétanyahou, qui réclamait une date limite pour ce dialogue américano-iranien, ce qu'il n'a pas obtenu, est que l'on s'engage à ce que l'Iran ne développe pas sa capacité nucléaire militaire. J'espère, a-t-il ajouté, que le plan du président (Obama) réussira. (...) Israël, en tout cas, se réserve le droit de se défendre."
Dans le cas improbable où il déciderait "d'y aller" seul, l'Etat juif, première puissance nucléaire du Proche et Moyen-Orient, a-t-il aujourd'hui la capacité de mener, jusqu'en Iran, une opération de destruction d'envergure ? Dans une étude approfondie de 114 pages, publiée en mars par le prestigieux et très influent Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) de Washington, deux des meilleurs experts mondiaux des questions stratégiques et de défense, Abdullah Toukan et Anthony Cordesman, estiment que oui, c'est techniquement "possible" (http://www.csis.org/).
Mais, ajoutent les auteurs qui passent en revue tous les scénarios possibles d'une attaque sur les installations nucléaires iraniennes, "l'opération serait complexe, hautement risquée et rien n'en garantit le succès". Correspondant militaire du quotidien israélien de centre gauche Haaretz, Reuven Pedatzur, ancien pilote de chasse, s'est livré, le 15 mai, dans son journal, à une analyse complète du rapport des deux experts. C'est ce texte que Le Monde a décidé de publier. Pedatzur s'y range sur la même ligne de "prudence" que les auteurs. Il va plus loin et souligne "l'erreur qu'a commise Israël en agitant la menace iranienne".
Contrairement à ce que répète M. Nétanyahou sur tous les tons, et avant lui M. Olmert, "le régime de Téhéran, selon lui, est certes un adversaire acharné et inflexible, mais il est loin de représenter une menace vitale pour Israël". Et Pedatzur d'apostropher le leadership de son pays : "Cessons de brandir l'épouvantail d'une menace existentielle, écrit-il. Gardons-nous de toute déclaration belliqueuse susceptible d'enclencher une escalade fatale." Quand on sait qu'être "correspondant défense" d'un grand journal en Israël implique un rapport de confiance avec l'establishment militaire et sécuritaire du pays, on prend la mesure de ces fortes paroles...
Pour le journaliste d'Haaretz, l'intérêt des 114 pages de Cordesman et Toukan reste cependant entier en ce qu'elles "exposent l'ensemble des informations disponibles sur les capacités militaires d'Israël et son programme nucléaire, ainsi que les développements nucléaires et les défenses aériennes de l'Iran".
Pedatzur relève notamment la livraison par Washington, en 2008, à Israël, d'au moins "600 bombes surnommées "bunkers busters" (briseuses de bunkers)" qui pourraient être utilisées avec succès contre les installations souterraines, à condition que les pilotes israéliens visent leurs cibles "avec une précision absolue et à un angle optimal". Ce n'est là qu'un des aspects du problème.
Les services de renseignements américains et israéliens ne sont pas tout à fait sur la même ligne en ce qui concerne l'urgence d'une éventuelle intervention. L'Etat juif affirme que la bombe iranienne sera prête à l'emploi "entre 2009 et 2012". La CIA pense 2013.
Autre problème, "on ignore si l'Iran dispose d'installations secrètes d'enrichissement d'uranium", notent les experts américains. Si elles existent, le programme se poursuivrait alors même qu'Israël bombarderait les quatre sites nucléaires connus (Ispahan, Natanz, Arak et Bouchehr), au risque de tuer "des milliers, voire des centaines de milliers de civils en Iran et dans la région". Pour Reuven Pedatzur, il est urgent d'attendre.
Patrice Claude
Les Docteurs Folamour israéliens
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