Le son des cailleras



« S’il n’existe pas d’art populaire au sens de la classe ouvrière urbaine, c’est peut-être que cette classe ne connait d’autres hiérarchies que celles, toute négatives, qui se mesurent à la distance et à l’insécurité absolues du sous-prolétariat, et reste définie fondamentalement par la relation de dépossédé à dépossédant qui l’unit à la bourgeoisie, en matière de culture comme ailleurs.

Ce que l’on entend communément par art populaire, c’est-à-dire l’art des classes paysannes des sociétés capitalistes et précapitalistes, est le produit d’une intention de stylisation qui est corrélative de l’existence d’une hiérarchie : les isolats relativement autonomes à base locale ont aussi leur hiérarchie de luxe et de nécessité que les marques symboliques, vêtements, meubles, bijoux redoublent en les exprimant. Là aussi, l’art marque des différences, qu’il présuppose.

Ce n’est pas par hasard que le seul domaine de la pratique des classes populaires où le style en soi accède à la stylisation est celui de la langue, avec l’argot, langue de chefs, de « caïds », qui enferme l’affirmation d’une contre-légitimité, par exemple par l’intention de dérision et de désacralisation des « valeurs » de la morale et de l’esthétique dominante ». (Bourdieu, La Distinction)

Aucun commentaire: