De la censure

« La censure n’est jamais aussi parfaite et aussi invisible que lorsque chaque agent n’a rien à dire que ce qu’il est objectivement autorisé à dire : il n’ a même pas à être, en ce cas, son propre censeur, puisqu’il est en quelque sorte une fois pour toute censuré, à travers les formes de perceptions et d’expression qu’il a intériorisé et qui imposent leur forme à toutes ses expressions.

Parmi les censures les plus efficaces et les mieux cachées, il y a toutes celles qui consistent à exclure certains agents de la communication en les excluant des groupes qui parlent ou de places d’où l’on parle avec autorité. Pour rendre raison de ce qui peut et ne peut pas se dire dans un groupe, il faut prendre en compte non seulement les rapports de forces symboliques qui s’y établissent et qui mettent certains individus hors d’état de parler ou les obligent à conquérir de vive force leur droit à la parole, mais aussi les lois mêmes de formation du groupe qui fonctionnent comme une censure préalable.

Les productions symboliques doivent donc leurs propriétés les plus spécifiques aux conditions sociales de leur production et, plus précisément, à la position du producteur dans le champ de production qui commande à la fois l’intérêt expressif (pulsion biologique ou intérêt politique), la forme et la force de la censure (liée à la structure du champ dans lequel elle se produit) qui lui est imposé et la compétence qui permet de satisfaire cet intérêt dans les limites de ces contraintes… »

Bourdieu, Ce que parler veut dire

1 commentaire:

pom a dit…

Purée, c'est compliqué Bourdieu.
Mais "la position de producteur dans le champ", fallait le dire !
On est cuit quoi.