« Que le combat anticolonialiste ne s’inscrit pas d’emblée dans une perspective nationaliste, c’est bien ce que l’histoire nous apprend » disait Fanon. On peut même dire qu’il en va tout du contraire. A bien y regarder le nationalisme indigène* est le plus bel hommage que peut faire l'indigène - qui se croit libre sans l'être - au colonialisme. Car, derrière la « perspective nationaliste », il y a, ruse de la raison oblige, le sempiternel récit de légitimation de l’entreprise de domination et d’appropriation de l’impérialisme occidental.
Ce récit est en lui-même une représentation des plus classiques du pouvoir de l’Occident à une échelle mondiale. Ainsi le nationalisme dans son orthodoxie suit la voie ouverte par l’impérialisme, lequel, s’il semblait concéder un pouvoir à la bourgeoisie nationale, travaillait en réalité à étendre son hégémonie. Dire une histoire simplement nationale, c’est donc répéter l’impérialisme, l’élargir, et aussi en engendrer les nouvelles formes ; formes plus hybrides et plus pernicieuses que jamais.
Laissé à lui-même après les indépendances, le nationalisme « s’émiette en régionalisme au sein d’une même réalité nationale. Voici que ressurgissent les vieux conflits entre régions, qu’un peuple monopolise les privilèges au dépends d’un autre, que les hiérarchies et divisions établies par l’impérialisme sont restaurées, à la différence que ce sont des Algériens, des Sénégalais, des Indiens etc., qui veillent sur elles…. » (Fanon)
Car tant que les « mimes » commandent dans le même temps ou l’on démolit l’oppression coloniale, on contribue, par la bande, à construire un appareil d’exploitation, cette fois sous cette apparence noire ou arabe… Aussi que les mimeurs, sans inspiration et sans talent, cessent leurs singeries ! La vraie mission d'un intellectuel indigène, si mission il y eut jamais, serait de forger des concepts aptes à décrire une trajectoire, une ligne de fuite non-occidentale autrement qu'en terme de distorsion et d'insuffisance... Et qui en est capable, qui est capable d'ouvrir ce vaste chantier aujourd'hui ?
*« Armées, drapeaux, parlements, plans d'éducation nationale, partis politiques hégémoniques (quand ils n'étaient pas uniques) : tels ont été les résultats, généralement accompagnés d'un transfert aux élites nationalistes des places autrefois occupées par les Britaniques ou les Francais...» (E.S., Culture et Imperialisme)
Inspiration : Edward Saïd
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