De la bouffonnerie française

La mission parlementaire, qui vient d'achever ses travaux sur le port du voile intégral et sur les moyens de le bannir du "territoire de la République", n'est pas parvenue à dégager un consensus : elle propose une condamnation solennelle, doublée d'une interdiction dans les services et les transports publics. Parallèlement, les dégâts collatéraux qu'elle a provoqués se sont multipliés au fil des mois. La réflexion, lancée au printemps 2009 par le communiste André Gerin, soutenue par le président de la République, Nicolas Sarkozy, et organisée au sein d'une mission de trente-deux députés venus de la droite et de la gauche, avait plutôt bien commencé.

Abstraction faite des interrogations sur l'urgence à mobiliser tant d'énergie sur ce problème - réel quoique circonscrit à quelques centaines de femmes -, la mission semblait en parfaite résonance avec le rejet manifesté par l'immense majorité de l'opinion pour cette tenue vestimentaire.

Les députés affichaient donc leur volonté d'éradiquer cette pratique de l'espace public au nom "de la laïcité, de la dignité de la femme, des dérives sectaires" ou bien encore "de la sécurité publique". Las. Au fil des auditions, ils ont réalisé qu'une prohibition générale risquait de se heurter aux principes constitutionnels, et qu'une loi visant une infime partie d'une communauté particulière, en l'occurrence les musulmans, pouvait apparaître disproportionnée et "stigmatisante".

Enfin, entre les intransigeants de la laïcité, les républicains, les humanistes et les pragmatiques, le consensus sur le diagnostic n'a pas résisté à l'examen des moyens envisagés pour amener ces femmes à se dévoiler.

Résultat : ni à gauche ni à droite les députés ne sont parvenus à se mettre d'accord. Soucieux de masquer leurs divergences, les socialistes se sont éclipsés au dernier moment de la mission ; leur message officiel, opposition à une loi, demeure brouillé par des voix discordantes et un certain manque de conviction. A droite, les députés se sont déchirés. S'il est légitime que sur un tel sujet les clivages partisans volent en éclats, les antagonismes au sein de l'UMP sont apparus démesurés. Y compris aux yeux du premier ministre, François Fillon, qui a parlé de "tiraillements inacceptables".

Dans le camp présidentiel, le voile intégral a mis en lumière des oppositions de nature politique ; d'un côté, le chef de file des députés UMP de l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, tenant opportuniste de la ligne "dure", favorable à une loi générale ; de l'autre, la direction de l'UMP, emmenée par Xavier Bertrand, avec l'assentiment de M. Sarkozy, prônant une position plus prudente, défendue, quoi qu'il en soit, par le rapporteur de la mission, l'UMP Eric Raoult. Pour calmer le jeu, M. Fillon a repris la main et confié au Conseil d'Etat le soin de dire quelle était la marge de manoeuvre législative.

Face à ce manque de lisibilité et à l'absence de "concorde républicaine" souhaitée par les promoteurs du débat, ces derniers ont tenté de mettre en avant le caractère "exemplaire" de leur travail et l'intérêt qu'il susciterait à l'étranger.

Pourtant, hormis Mara Carfagna, ministre italienne de la parité, qui a souhaité "prendre modèle sur la mission parlementaire française" pour légiférer, et des encouragements relevés dans la presse québécoise, la perplexité et l'incompréhension, teintées d'hostilité, prévalent.

Auditionné par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le 13 janvier, Joseph Maïla, le responsable du pôle religions au ministère des affaires étrangères, n'a pas caché que, d'un point de vue diplomatique, ce débat "pose beaucoup de problèmes". "Nous ne sommes pas compris dans le monde, y compris en Europe", a-t-il dit.

Le gouvernement britannique a fait savoir qu'il ne partageait pas "la position de la France". Aux Etats-Unis, où l'on connaît l'attachement de Barack Obama à l'expression de la diversité culturelle et religieuse, un éditorial du New York Times du 27 janvier, s'en est pris violemment aux promoteurs d'une loi d'interdiction. Intitulé "Les talibans applaudiraient", il établit un parallèle périlleux entre la France et les "étudiants en religion" afghans : "Il est facile de considérer que les droits des femmes sont violés lorsqu'un gouvernement leur demande de voiler leur corps et leur visage, comme le font les talibans en Afghanistan. Il devrait être tout aussi facile de voir cette violation quand une mission parlementaire française recommande d'interdire aux femmes qui portent ce voile l'accès aux services publics." Le journal accuse les responsables politiques français "de fermer les yeux sur les libertés individuelles" et "d'attiser la haine".

Par ailleurs, au-delà d'éventuelles manifestations populaires, qui risqueraient, de manière plus ou moins spontanée, de s'emparer du monde arabo-musulman, ce sont les silences de certains pays, comme l'Arabie saoudite, qui pourraient, au final, être le plus embarrassants. En s'abstenant de critiquer la France, ils livreront un message clair : "On ne vous juge pas, mais ne nous critiquez pas non plus." Une manière de dénier à la France le rôle de défenseur des valeurs universelles que le pays prétend toujours porter.

Stéphanie Le Bars

6 commentaires:

Anonyme a dit…

de toute facon ca aura des consequences diplomatiques commerciales,politiques etc...
ils risquent de perdre des contrats comme à abu dhabi pour les centrales nucleaires

Anonyme a dit…

tu as raison c'est vraiment de la boufonnerie à la francaise

Réda Le Loup a dit…

Oueh, tout penseur correct voit bien la dérive de la France, à la limite de la névrose gâteuse !

C'est aussi pour s'aligner sur les intérêts d'Israel, une sordide propagande pour préparer un massacre.

Mais moi je trouve le monde musulman d'une non-réaction inquiétante, un autisme qui en dit long sur sa médiocrité et son impuissance.

Voilà, moi je fais court et tape dans le mille, pas besoin de faire l'intelleux universitaire.

Bozo a dit…

"qui en dit long sur sa médiocrité et son impuissance (du monde Arabe)"

"moi je"
"je fais court"
"j'ai pas pas besoin"
"l'intelleux universitaire"

Tu en es pourtant le symptôme Reda de cette médiocrité !

Réda Le Loup a dit…

Ok votre éminence Bozo !

c'est comme vous voudrez.

Bozo a dit…

Ô Humilité, mère de toutes les vertus !

Et si il y a de l'humour en plus, nous touchons aux portes du paradis...